Steven Soderbergh nous a donné certains des meilleurs films du 21e siècle; Traffic, Ocean's Eleven, The Good German, le diptyque Che, et, malgré quelques expériences obscures (The Girlfriend Experience) et autres tentatives peu fructueuses (Contagion), le réalisateur a su nous prouver qu'il sait comment fonctionne l'objet filmique et comment en tirer profit au maximum, selon le genre exploité. Ici, avec Haywire, on s'aventure davantage au niveau du suspense et de l'action, que du drame ou du portrait; styles sur lesquels le cinéaste s'est surtout attardé ces dernières années. Soderbergh a un talent pour la direction d'acteurs ainsi qu'un sens du rythme effarant qui lui permet de faire d'une production aux pronostics banals et conformistes, une oeuvre supérieure. L'histoire de Haywire n'est pas, à proprement parlé, originale et unique; une ancienne marine, qui travaille pour une compagnie indépendante d'agents secrets, est piégée par ses propres troupes qui veulent l'éliminer, mais le traitement visuel particulier du cinéaste et l'ambiance claustrophobique qu'il réussit à créer nous fait rapidement oublier le prosaïsme du récit.
Les scènes de combat sont irrémédiablement les plus impressionnantes et abouties. Le réalisateur a choisi de les dépouiller de toute musique ou ambiance sonore. Tout ce que le spectateur entend ce sont le bruit des coups, la respiration des antagonistes et le brouhaha des objets qui se brisent sous leurs offensives; une recette efficace qui donne plus de mordant et de vigueur aux séquences d'action. On doit également la qualité des affrontements à l'aisance et à la rigueur de Gina Carano, ex-championne d'arts martiaux mixtes. Même si son jeu, trop gros, n'est pas à la hauteur de celui de ses comparses, elle est visiblement bien dirigée et livre, au bout du compte, une performance suffisamment crédible pour accrocher le public - et convaincre les méchant(e)s critiques.
Certains plans larges, utilisés dans des situations moins conventionnelles - comme avant une bataille lorsqu'on voit arriver l'héroïne à la course, loin derrière son ennemi, avant qu'elle frappe le premier coup - amènent une fraîcheur bienvenue à l'oeuvre, qui lui insuffle, parallèlement, un dynamisme insoupçonné. Plusieurs choix esthétiques, comme des montages séquentiels en noir et blanc et autres ralentis et accélérés compétents, donnent une âme au film et lui permet ainsi de se différencier des autres productions du même genre. La musique, quant à elle, ressemble dangereusement à celle utilisée dans Ocean's Eleven, et cela s'explique rapidement par la présence du compositeur David Holmes au générique des deux films réalisés par Soderbergh.
Dans un film d'action comme Haywire, le rythme est une donnée primordiale; les trop longs développements sont souvent mortels et les clichés en trop grande quantité représentent presque inévitablement le détachement progressif du spectateur. Heureusement, Soderbergh a, depuis longtemps, compris son importance et démontre - grâce à quelques moments-clés (qui vous feront sursauter) - l'importance d'un scénario bien structuré et, surtout, bien adapté. La diversité des projets (drame biographique, suspense, action, drame de guerre, gangsters, comédie) qui garnissent le curriculum vitae du cinéaste justifie probablement le succès de son plus récent long métrage à tous les niveaux (ou presque). Espérons que Soderbergh continuera à nous éblouir à travers toutes les sphères du septième art et encouragera certains de ses acolytes à oser davantage la pluralité des genres.
Soderbergh a un talent pour la direction d'acteurs ainsi qu'un sens du rythme effarant qui lui permet de faire d'une production aux pronostics banals et conformistes, une oeuvre supérieure.
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