M. Night Shyamalan a certainement le don de mettre à rude épreuve les nerfs et la patience des cinéphiles, et ce, même chez ceux étant plus ouverts que la moyenne à lui accorder le bénéfice du doute.
Trap est à la fois le meilleur et le pire du cinéma de Shyamalan. D'un côté, nous avons un concept extrêmement intrigant sur papier et des choix de mise en scène insolites, voire souvent déstabilisants. De l'autre, nous avons des dialogues extrêmement boiteux, des interactions qui n'ont absolument rien de naturel, et une suite d'événements faisant rapidement péter l'élastique de la vraisemblance.
Si vous êtes du genre à être profondément agacé par le moindre détail qui ne semble obéir à aucune logique narrative ou dramatique, Trap pourrait s'apparenter à votre pire cauchemar.
Pour les autres, il y a tout de même un certain plaisir à tirer de cette expérience foncièrement imparfaite, mais menée avec énormément d'assurance - pour ne pas dire d'entêtement.
Décrit par son auteur comme un croisement entre The Silence of the Lambs et un concert de Taylor Swift, Trap raconte exactement cela sans aucun détour. Cooper (Josh Hartnett), un homme en apparence tout ce qu'il y a de plus ordinaire, emmène sa fille au concert de sa pop star préférée. Mais une fois sur les lieux, le père de famille remarque une présence policière accrue à l'intérieur de l'amphithéâtre.
De fil en aiguille, Cooper apprend que le spectacle n'est qu'un prétexte pour mettre la main sur un dangereux tueur en série surnommé « le boucher ». Et il se trouve que Cooper est en fait ledit boucher (surprise!). Ce dernier doit dès lors manoeuvrer discrètement pour trouver une façon d'échapper aux autorités, tout en faisant bien attention de ne pas éveiller les soupçons de sa progéniture.
Malgré un rythme parfois saccadé et une accumulation d'éléments fortuits nous confirmant que le gars des vues n'a pas chômé durant la production, Shyamalan orchestre un suspense qui, à défaut d'être un tant soit peu cohérent et réfléchi, entretient tout de même une étrange fascination chez le spectateur pour le tenir en haleine du début à la fin.
Déjà, l'idée de base de nous faire suivre le parcours de l'antagoniste traqué - qui a visiblement retenu quelques trucs de la saga Jason Bourne - permet au cinéaste de s'amuser aux dépens de notre perception du récit.
Shyamalan ne lésine pas non plus sur les hommages au cinéma des maîtres Alfred Hitchcock et Brian De Palma par l'entremise de citations directes, mais aussi de certaines mécaniques visuelles et narratives.
Nous pouvons également percevoir dans Trap une tentative beaucoup plus concluante de se moquer des codes d'un genre que celle que le principal intéressé avait prétendu faire avec The Happening pour le récit apocalyptique.
Parallèlement, Josh Hartnett oscille bien entre le caractère nerveux, le charisme et les tiraillements de son personnage, prenant un plaisir évident à jouer les monstres enfouis - même si son jeu n'est pas immunisé contre les faux pas et les écarts dramatiques du maître de cérémonie.
Au final, Trap demeure un exercice beaucoup moins frustrant qu'un Old (par exemple), et ce, même s'il nous laisse tout de même avec l'impression de nous être faits nous-mêmes piéger par le réalisateur, nous ayant laissé entrevoir tout au long du film un ultime revirement qui ne vient finalement jamais.
D'autant plus que la dernière scène - ultime clou dans le cercueil de la vraisemblance - se plait à nous rappeler une fois de plus qui est aux commandes. Libre à nous, à ce moment-ci, de rire avec lui ou non.
Ah oui, et il y a aussi Saleka Shyamalan, la fille du cinéaste, qui interprète la chanteuse Lady Raven, et pour qui le présent exercice est aussi une plateforme pour faire connaître ses talents d'auteure-compositrice-interprète.
Rendu là, pourquoi pas!