Dès que l'histoire sur le commandant Piché est sortie dans les journaux, les cinéastes y voyaient déjà une incroyable opportunité de faire de l'argent un long métrage. Certains prétendent qu'il est trop tôt pour adapter la vie de ce pilote québécois au grand écran, d'autres s'en prennent aux producteurs capitalistes qui trouvent le moyen de faire d'une destinée un produit de consommation; mais la vraie question reste toujours : est-ce un bon film? L'existence de cet homme, dont nous connaissons bien des détails (un peu malgré nous), vaut-elle la peine d'être racontée, d'être exposée aux yeux et au su de tous? Malgré certains défauts scénaristiques, l'oeuvre de Sylvain Archambault se révèle être attendrissante, déchirante et parfois même angoissante (malgré le fait que l'on sait tous que l'avion ne s'écrase pas dans l'océan Atlantique). Peut-être une preuve que l'évidence - c'est-à-dire faire un long métrage sur l'histoire d'un homme qui a fait la manchette pendant des mois (voire des années) -, orchestrée avec discernement, peut parfois être une avenue adéquate.
Pour parvenir à balancer ses fins de mois, le pilote Robert Piché accepte un travail illégal, qui consiste à transporter par avion de la drogue jusque dans les Antilles. Un soir, alors qu'il fait escale en Géorgie, un policier, qui remarque les lumières éteintes sur son avion, l'arrête. Il est alors condamné à dix ans de prison aux États-Unis. Seulement quelques mois plus tard, on lui rend sa liberté. Après avoir fait plusieurs petits boulots pour gagner sa vie, Piché reçoit enfin son pardon des États-Unis et est engagé comme pilote de ligne chez Air Transat. Un jour, alors qu'il vole au-dessus de l'Atlantique en direction du Portugal, son avion perd progressivement tout son carburant. Robert Piché doit alors prendre des décisions cruciales pour sauver la vie de plus de 300 personnes.
Michel Côté et son fils Maxime Leflaguais - qui incarnent tout deux Piché à des âges différents - donnent une performance renversante. Les deux hommes portent habilement sur leurs épaules toute la fragilité et la colère de ce pilote sur qui les médias se sont rapidement acharnés. Le film nous démontre bien que le courage ne réside par dans l'acte de sauver 306 passagers et membres de l'équipage - cela est plutôt un instinct de survie, l'accomplissement de ce pour quoi on a été entraîné -, la vraie bravoure est faite d'avoir su avouer ses torts (son problème d'alcool, son passé trouble) et de s'être pris en main pour prouver que l'on peut se relever malgré les anicroches de l'existence.
Le scénario, déconstruit mais généralement accessible, comporte certains clichés irritants - comme l'introduction de flash-backs par une phrase clé d'Antoine Mongrain (qui incarne un confrère de Piché à la clinique de désintoxication) : « Un jour tu me raconteras la vraie histoire » (il n'est pas nécessaire de prendre le public par la main, il faut lui faire davantage confiance) - qui, par contre, sont assez sporadiques pour ne pas (trop) importuner le spectateur. Il aurait été facile de se centraliser uniquement sur l'évènement qui a fait connaître Robert Piché, sur son acte « héroïque »; en revanche, chaque partie de sa vie tumultueuse est exposée de manière équivalente à l'écran - le parcours est souvent aussi important que la destination.
L'attention portée sur les effets spéciaux mérite également d'être mentionnée. Les images dans le cockpit de l'avion sont très crédibles, très bien réalisées. Trop souvent dans ce genre de long métrage, l'écran vert saute au visage et distrait de l'intrigue, mais ici, elle est parfaitement intégrée au décor. Les nombreux refus de la SODEC et de Téléfilm Canada que l'équipe de production a dû subir auront peut-être été profitable, puisque le long métrage qu'on nous présente aujourd'hui est réfléchi, mûr pour le grand écran.
Malgré certains défauts scénaristiques, l'oeuvre de Sylvain Archambault se révèle être attendrissante, déchirante et parfois même angoissante. Peut-être une preuve que l'évidence, orchestrée avec discernement, peut être une avenue adéquate.
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