Un film d'Alexander Payne (The Descendants, About Schmidt) suscite généralement un grand intérêt des cinéphiles, se retrouvant dans les palmarès de fin d'année tout en partant favori dans la plupart des remises de prix. Downsizing ne semble pas vouloir suivre cette tangente. S'il s'agit de son long métrage le moins remarquable en carrière, il y a néanmoins suffisamment d'éléments intéressants pour qu'on veuille s'y arrêter.
L'oeuvre est d'ailleurs parsemée de flashs brillants. On a trouvé un moyen de rapetisser les êtres humains afin de combattre la surpopulation et ainsi sauver la planète. C'est ce que décide de faire Paul (Matt Damon), mais pour économiser de l'argent et mener un meilleur train de vie. Une fois haut de 12 cm, il verra toutefois l'existence autrement...
Le récit ne manque pas de riche matière première. Il y a de probants questionnements matériels et affectifs, moraux, philosophiques et religieux. De nombreuses portes ouvertes qui attendent d'être franchies et qui ne le seront qu'à moitié. En parlant de ce monde plus petit, Payne traite évidemment du nôtre, avec tous ses problèmes économiques, sociaux, politiques et environnementaux, qui vont du sort des malades abandonnés à ces marginaux qui résident de l'autre côté du mur. L'effort représente donc une mer de possibilités laissées en jachère, qui n'atteint jamais son plein potentiel.
Le réalisateur a toutefois le mérite d'aborder ces thèmes importants. Sans doute qu'il flirte un peu trop avec le bien-pensant à la toute fin et que son côté donneur de leçons peut taper sur les nerfs (pour être heureux, il faut être amoureux et aider les autres). On sent pourtant une certaine modestie dans son regard, une sincérité pas très éloignée de la naïveté. Il prend son temps - un peu trop, d'ailleurs, un flottement se fait ressentir - pour bien camper son univers et ses personnages, faisant lentement migrer la satire comique du début façon The Truman Show vers quelque chose de plus mélancolique. Ce qu'il perd en verve et en efficacité (on est loin de son mordant Election), il le gagne en profondeur et en émotions.
Comme toujours chez ce créateur d'exception, sa direction d'acteurs est de haut niveau. Matt Damon y est allumé, faisant vite oublier son récent Suburbicon. Kristen Wiig brille dans la retenue, Christoph Waltz s'amuse malgré un accent qui sonne faux, Udo Kier livre quelques-unes des blagues les plus cocasses et il y a une multitude de caméos savoureux. C'est toutefois la performance d'Hong Chau (Inherent Vice, la série Treme) qu'on retiendra pour son humanité et sa compassion.
À mille lieues du douteux Un homme à la hauteur qui mettait en vedette un Jean Dujardin lilliputien, Downsizing aborde son sujet avec sérieux, se permettant des réflexions sur la condition humaine qui sont criante d'actualité. Trop gentil et appuyé, l'ensemble a malheureusement tendance à se dégonfler graduellement. Alexander Payne et son coscénariste Jim Taylor avaient commencé à écrire cette histoire après Sideways (2004) avant de la mettre sur la glace. En la retrouvant, le cinéaste ne semble pas avoir pris en compte l'immense évolution de son art depuis son exquis Nebraska, se permettant un pas en arrière pour sûrement mieux rebondir par la suite. Mais un film ordinaire de ce réalisateur demeurera toujours supérieur à bien d'autres projets cinématographiques.