« Pourquoi tout le monde t'appelle mon père, mais moi je ne peux même pas t'appeler papa? » Voilà la question parfaitement formulée sur laquelle repose l'essence de Paternel, le premier long métrage de Ronan Tronchot.
Nous sommes introduits au Père Simon (Grégory Gadebois), qui sert la communauté d'une petite ville du centre de la France, au moment où il découvre qu'il a un fils de 11 ans, né d'une relation avec la femme qu'il fréquentait avant qu'il dévoue son existence à Dieu.
Figure de soutien et de bons conseils pour ses disciples, l'arrivée du jeune garçon chamboule évidemment la vie du principal intéressé, qui doit déjà composer avec la réalité d'une religion dont l'héritage et l'influence sont depuis un bon moment dans une déconstruction passablement avancée.
Ce qui marque d'emblée, c'est le réflexe facile de Simon de dire automatiquement non à tout ce qui l'implique personnellement, avant de finalement se rétracter pour tendre la main et faire preuve d'ouverture. Une attitude que le cinéaste met habilement en parallèle avec la rigidité des politiques de l'Église.
À travers la situation délicate de son protagoniste, Ronan Tronchot met en relief la mission première de ce dernier, tout comme quelques passages des saintes Écritures. Le réalisateur n'introduit d'ailleurs pas Simon comme un homme disant avoir reçu « l'appel de Dieu », mais qui a plutôt été envahi par l'immensité englobant ses célébrations, y ayant trouvé la voie qui lui convenait le mieux pour réaliser sa volonté d'aider son prochain.
Paternel n'esquisse donc pas tant une crise de foi, mais plutôt la quête d'un équilibre entre le dévouement de son personnage principal à la chair de sa chair et à sa communauté.
Les questions de la responsabilité parentale et du respect des traditions sont aussi soulignées et mises en opposition de différentes façons, à travers la célébration d'un baptême par un couple n'ayant pas forcément la foi, et la grossesse non désirée d'une adolescente, notamment.
L'un des plus beaux élans du coeur de Simon se manifeste d'ailleurs lorsqu'il prend conscience de la teneur de ses propres conseils, trouvant réponse à ses questions dans les sages paroles qu'il a si souvent prononcées pour autrui, et par lesquelles il accepte finalement le contrôle qu'il doit exercer sur sa propre existence.
La manière dont Simon découvre progressivement toute la richesse du rôle qui s'est subitement imposé à lui - au même titre que son fils démontre une belle fascination pour le travail et les responsabilités de son père - est également marquée d'une humanité et d'une sincérité qui ne peuvent que faire vibrer les bonnes cordes chez le spectateur.
Mis en scène de façon aussi sobre, posée et maniérée que l'univers dans lequel il s'immisce, Paternel dévoile en Tronchot et Grégory Gadebois un duo des plus complémentaires, ce dernier donnant vie à son personnage avec toute l'humilité, la délicatesse et l'empathie voulues.
Si certains éléments sont peut-être introduits et traités d'une manière un peu trop marquée et insistante, l'ensemble s'impose tout de même davantage de par la clairvoyance et l'égard dont fait preuve son maître de cérémonie du début à la fin.
Paternel n'est, certes, pas le film qui brasse le plus d'air, mais Ronan Tronchot signe néanmoins un drame émouvant, traité sans fioriture, et surtout avec une réelle empathie en ce qui a trait aux dilemmes moraux et personnels auxquels sont confrontés ses différents personnages.