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Plan à trois.
Il faut avouer que le personnage principal du nouveau film d’Ira Sachs, celui qui est le plus mis en avant dans ce triangle amoureux, est hautement détestable. Ses actions, son narcissisme exacerbé, son inconséquence et son égoïsme en font un personnage toxique, agaçant et déplaisant. Mais comme lorsque le méchant d’un film est le héros, au hasard et dans un tout autre registre « Pitch Black » par exemple, cela n’empêche pas pour autant une œuvre d’être réussie. On ne cautionne donc pas les actions de ce Tomas, on ne l’apprécie pas mais on apprécie le film dont il est le héros. « Passages » parvient également à rendre son canevas amoureux vu et revu, notamment dans un certain cinéma français passéiste dont il s’inspire, moins classique que prévu. C’est d’ailleurs un peu grâce au côté queer de cette œuvre et à la patte d’un auteur étranger posant sa caméra dans la ville Lumière. Un auteur du cinéma indépendant américain dont on sait à quel point il aime à sonder le couple dans tous ses états.
Il l’a fait dans quasiment toutes ses œuvres que ce soit en mode hétéro (« Married life ») ou gay (« Love is strange ») et toujours sur un mode plus dramatique que léger. Ce « Passages » ne déroge pas à la règle mais en allant chatouiller cette fois la bisexualité puisqu’on a affaire à un couple gay marié dont l’un d’eux va tomber amoureux d’une jeune femme. Amoureux de la France et de son cinéma, Sachs y tourne son premier film après avoir fait jouer Isabelle Huppert à Lisbonne dans le sympathique « Frankie », son film précédent. S’il n’évite pas certains clichés parisiens (et du cinéma d’auteur tricolore y afférant), le film ne sombre pas pour autant dans la caricature. Que ce soit dans sa peinture du milieu artistique (l’un des deux hommes est réalisateur, l’autre imprimeur et leurs amis sont dans la littérature), dans celle d’un certain milieu bourgeois ou même sur le versant queer tout de même un peu poussé. On échappe donc au Paris de carte postale, au communautarisme LGBT et au microcosme de personnages qui n’existent que dans un cinéma indépendant fantasmé.
Curieusement, le long-métrage peine à nous faire ressentir la ou les passion(s) ressentie(s) par les trois personnages. L’osmose entre eux laisse parfois à désirer mais l’électron libre Franz Rogowski et son timbre de voix si singulier emportent le morceau bien que l’on ait envie de gifler son personnage toutes les cinq minutes. C’est paradoxalement ce qui nous fait dire que sa prestation de dans le rôle de ce presque pervers narcissique est réussie. Adèle Exarchopoulos, décidément de plus en plus passionnante, et Ben Wishaw sont plus effacés et presque engloutis par leur partenaire mais cela semble fait exprès. Le film est captivant et toujours juste dans sa peinture d’une relation toxique et certaines scènes sont très réussies (le dîner avec les parents). Ces flux incessants entre les trois personnages, dont deux dépendent du troisième, sont admirablement dépeints et si Sachs ne réalise pas là son meilleur film, il nous convainc néanmoins.
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