Un film trop long, ce n'est pas inusité. Un film qui s'étire dans l'apitoiement, le mélodrame, la sentimentalité, c'est assez courant. Par contre, un film trop court, c'est plus rare. Paris-Manhattan a fait ce choix curieux de raconter son histoire en une heure dix-huit minutes, ce qui ne laisse pas suffisamment de temps à la narration pour développer une tension dramatique convenable et un véritable attachement à ce personnage féminin, pourtant charmant. La relation amoureuse ne bénéficie, elle non plus, pas d'assez de temps pour parvenir à séduire son public, et à le convaincre de la compatibilité des héros.
Paris-Manhattan est un fouillis, parfois difficile à suivre (c'est qui lui? Victor ou Vincent? Ils sont chez qui maintenant?), parfois amusant et réconfortant et souvent mal orchestré. Si la réalisatrice, également scénariste, était parvenue à mettre de l'ordre dans ce bordel avant de le présenter au public (en montage peut-être), Paris-Manhattan aurait sans doute été une délicieuse comédie romantique. Par contre, même avec beaucoup de volonté, il aurait peut-être été ardu de retirer tout aspect prévisible et stéréotypé. Cependant, comme le genre dicte ce type de clichés, ils sont plus faciles à accepter qu'un désordre narratif irritant comme celui dont faire preuve le film français.
L'idée d'une protagoniste obsédée par la cinématographie de Woody Allen, croyant qu'elle peut sauver le monde grâce aux répliques et aux idéaux du réalisateur américain s'avère suffisamment rafraîchissante pour en faire le noeud d'une comédie romantique. Son expression fétiche : « C'est ton maximum? » apporte aussi une couleur bien particulière à l'héroïne, magnifiquement interprétée par Alice Taglioni. Le choix, par contre, de Patrick Bruel en installateur de systèmes d'alarme laisse à désirer. Le comédien et chanteur peut jouer le riche bourgeois parisien sans trop de problèmes, mais lorsqu'on lui met un tournevis dans les mains et le campe sur une bicyclette, la magie s'estompe.
Malgré sa courte durée, le long métrage parvient tout de même à déstabiliser son public et à le surprendre grâce à quelques revirements bien pensés. Ces renversements auraient par contre su tirer parti de développements plus circonstanciés et d'une montée dramatique mieux coordonnée. La scène où les parents et la fille (accompagnée par le réparateur de systèmes d'alarme?!) se retrouvent dans la maison de la soeur pour investiguer afin de s'assurer que le mari de cette dernière n'est pas infidèle comme ils le soupçonnent aurait été bien plus intéressante si elle avait été mieux introduite et mieux construite. Ça aurait pu être drôle, mais le résultat n'est que confus et inconfortable.
Paris-Manhattan souffre d'une carence importante, celle du temps, mais aussi, celle de l'expérience. Sophie Lellouche présente un premier long métrage poussé par une bonne idée, mais compromis par un scénario trop mince et un rendu incomplet. Si on considère Paris-Manhattan comme un « premier film » - ce qu'il est d'ailleurs -, on peut espérer beaucoup de la réalisatrice dans un proche avenir. À condition, évidemment, qu'il y ait amélioration pour la suite et que le bordel se résolve.