On ne pensait pas un jour prononcer les mots « grand public » en parlant d'un film coréen récipiendaire de la Palme d'Or et pourtant... Parasite de Joon-ho Bong étonne à plusieurs niveaux. D'abord par son style hybride, puis par son ton sarcastique, dérangeant et son sujet brûlant.
Joon-ho et ses coauteurs abordent la pauvreté de façon caustique et grossière, un peu comme l'avait fait François Avard avec Les Bougon, c'est aussi ça la vie! au début des années 2000. On pourrait même dire que les membres de la famille Kim sont un peu des Bougons coréens. Ils enchaînent les petites escroqueries afin d'échapper à leur misère. Quand l'un d'eux est engagé pour travailler chez les Park, une petite famille bourgeoise sans histoire, il use de différents stratagèmes afin que sa soeur, son père et sa mère deviennent des employés des Park eux aussi.
Les situations qu'on retrouve dans la première partie du film sont cocasses et inventives. L'humour de Parasite dépasse les barrières de la langue. On finit par s'habituer aux sous-titres et on en oublie l'origine internationale de l'oeuvre. On peut ressentir la force des dialogues malgré l'obstacle de la traduction. Si Parasite surprend par son humour sarcastique et dénonciateur, il déconcerte lorsqu'il tombe dans la violence, démontrant ainsi le côté sombre et venimeux de l'être humain. Il faut être particulièrement habile pour amalgamer la comédie à l'horreur et Joon-ho y arrive de façon spectaculaire. Si certains passages sont choquants, d'autres sont désopilants. Le réalisateur sud-coréen parvient aussi à nous surprendre de façon étonnante. Les choses s'enveniment de plus en plus pour la famille Kim jusqu'à l'explosion finale, qu'on voit plus ou moins venir. La conclusion s'avère aussi plutôt déconcertante.
Au-delà des fioritures du scénario et de la réalisation (qui se permet quelques fabuleux plans, notamment dans le reflet d'une fenêtre), le discours du long métrage se révèle également d'une puissance épatante. Le partage des classes social et l'avidité des hommes sont explorés ici avec une touche d'ironie bien placée. Mais, malgré l'aspect humoristique de la chose, le message se rend à bon port et le spectateur reste marqué par cette fable moderne sur les inégalités.
Disons aussi que les acteurs se révèlent très convaincants. Tous les membres de la famille Kim (Woo-sik Choi, Kang-ho Song, Hye-jin Jang et So-dam Park) ont l'habitude de jouer aux charlatans et ils savent se métamorphoser pour tromper l'ennemi. Leur attitude change tellement du tout au tout lorsqu'ils se trouvent dans leur appartement déglingué ou auprès de leurs riches employeurs qu'il nous faut un moment pour les replacer.
Agile, touchant et complexe, Parasite laissera une marque indélébile dans l'esprit des cinéphiles. Les films en compétition dans la catégorie meilleur film étranger n'ont qu'à bien se tenir cette année aux Oscars parce que Parasite a tout pour remporter les honneurs de l'Académie.