Ce n'est pas un zéro (0), c'est un ovale. Le cercle (O) est une forme parfaite; tous les points qui le forment sont situés à égale distance du centre. Aucun n'est plus près ou plus loin (humainement impossible, donc, d'en dessiner un à la main) l'un de l'autre, tout est parfaitement symétrique. Il n'y a rien à changer ou à améliorer. On pourrait aisément s'émouvoir de la perfection d'un cercle. Il existe, pour chaque point (.) une infinité de cercles concentriques dans toutes les dimensions (la longueur, la largueur, la profondeur et, pourquoi pas, le temps). Si le point (.) est l'idée, et si cette idée est Inception, alors Inception n'est pas un cercle (O), ni une sphère (•) c'est un ovale (0) : deux axes de symétrie, deux points forts, mais pas la perfection du cercle (O).
Dom Cobb est un voleur spécialisé qui n'a pas son pareil à travers le monde. C'est un voleur d'idées : il pénètre les rêves de ses victimes afin de trouver, dans leur subconscient, les secrets industriels les mieux cachés. Loin de sa famille depuis longtemps à cause d'un drame, il ne peut rentrer aux États-Unis. Lorsqu'un riche industriel japonais lui propose de lui obtenir un pardon s'il réalise l'impossible pour lui, il n'a d'autre choix que d'accepter. Sa mission : convaincre un riche héritier de dissoudre l'empire que son père lui a laissé en héritage. Mais implanter une idée, c'est une tâche impossible à accomplir.
Oui, on est émerveillé par l'aspect grandiose des effets spéciaux et par l'apparente complexité récit. Les comédiens sont tous excellents, et le film ne ressent pas le « complexe du blockbuster », où la simplicité narrative prévaut habituellement; Inception est un film complexe et exigeant, qu'on « admire » pour le tour de force davantage qu'on « l'apprécie ». Au moins une scène de combat est spectaculaire, les décors sont grandioses et le développement narratif est particulièrement stimulant. Inception est un cas d'exception dans le cinéma hollywoodien.
Ses implications philosophiques sont cependant limitées (ce qui l'empêchera de concurrencer The Matrix). Et plus on s'enfonce dans les rêves (où il ne faudrait quand même pas tout excuser; les soldats du monde des rêves d'Inception visent aussi mal que les soldats dans Rambo alors qu'ils sont des projections du subconscient (comment expliquer leur faiblesse?) spécialement entraînés) plus les inégalités du récit apparaissent (0). Le scénario doit trouver des moyens pour augmenter les dangers (un sédatif ultra-puissant duquel on ne peut se réveiller, sauf en ayant l'impression de tomber (mais pas en faisant des tonneaux en voiture?)*). Inception laisse donc une impression de grand vide et ne le remplit pas avec sa finale étrangement peu connotée émotivement.
Certaines longueurs apparaissent tandis que l'intrigue se complexifie et que les personnages ne semblent même pas comprendre les implications dramatiques de leurs décisions (qui se justifient parfois mal; pourquoi aller au plus profond de l'esprit d'un homme avec une architecte inexpérimentée qui ne connaît même pas tous les ressorts de la délicate opération en cours? (et qui, soit dit en passant, ne pouvait pas savoir que le sujet avait un mécanisme de défense, mais qui a quand même bâti une forteresse bien gardée!)). C'est profondément irresponsable d'entraîner ses coéquipiers (dont certains sont des recrues!) dans une mission dite « impossible » sans leur présenter tous les risques. On se sent un peu berné (exemple : « on ne savait pas que la victime avait été entraînée contre les intrusions, on a oublié de vérifier *marque d'étonnement*! » (lire aussi : ça serait ennuyant et trop facile s'il n'y avait pas d'opposition)).
Au final, Inception profite présentement de son audace; voilà un film qui ne ressemble à aucun autre, qui se refuse à réutiliser les vieux récits et qui fait preuve d'une témérité bienvenue. C'est un blockbuster sans méchant. Ce n'est pourtant pas un chef-d'oeuvre. C'est une bonne magnifique idée menée de main de maître par un réalisateur en pleine possession de ses moyens. Sauf qu'on a souvent l'impression que l'idée (.) n'est pas finale (0), qu'elle n'a pas atteint sa pleine maturité (O).
* Apparemment, le « truc » ne fonctionne pas sans gravité, ce qui est le cas lors de l'accident.