J’ai bien aimé Opus, mais avec un étrange sentiment de déjà-vu. Tout au long du film, j’avais l’impression d’avoir déjà vu cette scène, rencontré ce personnage, entendu cette réplique, apprécié ce décor ou cette direction photo. Opus reprend en effet les codes esthétiques de nombreux films d’horreur contemporains… sans se gêner.
Le scénario est (très) similaire à celui de The Menu (2022) avec Ralph Fiennes. Remplacez le chef étoilé par une icône musicale, et le tour est joué. La prémisse est la même : des invités triés sur le volet se retrouvent isolés pour vivre un événement « hors du commun ». On pense aussi à Glass Onion: A Knives Out Mystery ou à la série The White Lotus, qui mettent en scène des groupes hétéroclites (et parfois clichés) réunis par une personnalité excentrique.
Dans Opus, l’excentrique, c’est Alfred Moretti (John Malkovich), une pop star vénérée par plusieurs générations, génie musical reclus depuis plus de 30 ans. Mais le voilà de retour. Et il veut marquer le coup. Il invite un groupe de professionnels des médias à son domaine désertique pour une écoute exclusive de son nouvel album. L’événement est décrit comme une révolution musicale. Comme si, soudainement, Elvis réapparaissait et conviait quelques VIP à Graceland pour dévoiler de nouvelles chansons. Vous voyez le genre ? Mais pour le look, Moretti rappelle plutôt l’exubérance de David Bowie ou Prince, avec des costumes à la Elton John.
Parmi les invités, on retrouve Ariel Ecton (Ayo Edebiri), une jeune journaliste cherchant à faire ses preuves dans un magazine musical (Rolling Stone-like), accompagnée de son rédacteur en chef prétentieux (Murray Bartlett). S’ajoutent une animatrice télé chevronnée (Juliette Lewis), une paparazzi (Melissa Chambers), une influenceuse (Stephanie Suganami) et un journaliste de longue date, ennemi juré de Moretti (Mark Sivertsen).
Dès leur arrivée dans le désert, le malaise s’installe. Le complexe est occupé par une communauté sectaire, les Levelists, vêtus de bleu, qui vénèrent la beauté, le processus artistique et Moretti lui-même. Évidemment, c’est Ariel – la seule personne sensée du groupe, vraiment – qui perçoit l’étrangeté de l’endroit et l’attitude dérangeante de ses habitants. Elle tentera de comprendre ce qui se trame réellement au sein de cette communauté inquiétante…
Le film évoque inévitablement l’excellent Midsommar (2019) d’Ari Aster : secte fanatique, traditions énigmatiques, repas cérémonial… Mais si Opus se veut une critique de la célébrité, cette réflexion n’émerge vraiment que dans les dernières minutes du film. Dommage, car c’est cet aspect qui aurait mérité d’être creusé pour apporter une réelle originalité. Pourquoi vénère-t-on autant les artistes? Quel besoin profond satisfait cette idolâtrie? Pourquoi la célébrité occupe-t-elle une place si centrale aujourd’hui? Autant de questions qui restent en suspens, au profit d’une intrigue prévisible et de personnages peu développés.
Même Moretti aurait gagné à être approfondi: quelles sont ses véritables intentions? Que cherche-t-il à dénoncer? Quelles sont ses peurs, ses blessures? Heureusement, John Malkovich livre – comme toujours – une performance impeccable. Son charisme sert admirablement ce premier long métrage de Mark Anthony Green. Ayo Edebiri (The Bear) s’en sort également très bien et parvient, à quelques moments, à insuffler un peu de suspense et de tension. Mais trop peu.
Si l’originalité n’est pas au rendez-vous, Opus réussit tout de même à séduire en recyclant intelligemment des ingrédients connus. Au final, un film qui, comme ses personnages, vénère un peu trop ses modèles… au point d’oublier d’avoir une identité propre.