Tim Burton est reconnu pour son humour noir, ses personnages tordus et son esthétique sépulcrale; pourtant Dark Shadows s'aventure dans des sentiers plutôt convenus et nous laisse un amer goût de déjà vu qui n'est pourtant pas la saveur habituelle du réalisateur aux allures de scientifique fou. Se moquer des années 70 avec leur macramé, leurs trolls, leurs hippies, leurs boules miroirs, leurs synthétiseurs et leurs musiques psychédéliques s'avère une satire très conventionnelle, pour ne pas dire dépassée. Un vampire hypnotisé par la gélatine dans une lampe à bulles n'est pas plus amusant qu'un homme du XVIIIe siècle qui croit que la télévision est de la magie noire. Avec tous les films de vampires auxquels nous avons eu droit ces dernières années, les persiflages sur ces créatures de la nuit sont rapidement devenus surannés. On se ferme donc très rapidement à des blagues sur l'absence de reflet d'un prince des ténèbres ou ses habitudes à dormir dans des endroits clos (comme une boite rectangulaire ou une penderie) qui lui rappelle sont réconfortant cercueil.
Peut-être si on avait décidé de pousser le concept à l'extrême, de faire une comédie déphasée et absurde plutôt que de s'entêter à conserver une structure cohérente, l'idée de cette famille maudite dans un manoir en décrépitude aurait pris un sens nouveau - et probablement fort plus pertinent. Parce que l'histoire du film - au contraire de bien d'autres oeuvres de Burton - est assez conséquente et laisse très peu de place à l'exubérance des personnages. Bien que certaines discussions, vides de sens et d'orientation, parsèment le récit, la plupart des scènes sont élaborées dans un esprit méthodique qui dérange, faute d'amadouer le spectateur inaccoutumé à l'univers burtonnien. Pour séparer certains passages, le réalisateur a choisi d'introduire à plusieurs endroits la même image d'une vague qui fracasse les rochers. Bien que cette image trouve un écho dans l'histoire, on ne peut qu'être subjugué et déçu qu'un réalisateur de sa trempe ait décidé d'emprunter un tel processus archaïque pour départager ces « chapitres » (et ce, même si l'aspect démodé était l'effet recherché).
Visuellement, on retrouve assez aisément la signature de Burton; des images sombres, des maquillages et costumes ludiques ainsi que des effets spéciaux généralement opérants. La scène finale, dans le manoir, lorsque la méchante sorcière - qui se casse comme une coquille d'oeuf - donne vie aux objets inanimés, est fort impressionnante et se révèle être le moment le plus jouissif de cette oeuvre inachevée.
Même les plus grands admirateurs de Johnny Depp devront se soumettre à l'évidence; l'acteur, bien qu'efficace, ne se renouvelle pas, du moins, pas ici. À aucun moment dans la production nous ne cessons de voir le comédien pour découvrir le personnage. Ce vampire déséquilibré ressemble en trop de points à ses rôles précédents (du pirate au vampire; la marche n'est pas très haute) pour qu'on oublie son interprète. Eva Green, qui incarne la sorcière libidineuse qui veut la déconfiture de la famille Collins, est par contre assez convaincante et vole à de nombreuses reprises la vedette à Depp.
En apparence, Dark Shadows semblait une adaptation parfaite pour Burton - ses dispositions désaxées nous laissaient croire que la magie du réalisateur saurait encore opérer -, mais les décisions artistiques trop conservatrices du cinéaste (pourtant tout sauf conservateur) ont eu raison de l'efficacité de cette comédie.
Tim Burton est reconnu pour son humour noir, ses personnages tordus et son esthétique sépulcrale, pourtant Dark Shadows s'aventure dans des sentiers plutôt convenus et nous laisse un amer goût de déjà vu qui n'est pourtant pas la saveur habituelle du réalisateur aux allures de scientifique fou.
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