Cinématographiquement parlant, le Québec est foisonnant de premières oeuvres. Chaque année apporte son cru de nouveaux réalisateurs, certains « convertis au », d'autres « élevés dans », le cinéma, à travers quelques courts métrages d'expérimentations et d'affûtage. C'est d'ailleurs le cas de Simon Galiero, qui a remporté un Jutra pour son court métrage Notre prison est un royaume. Pour beaucoup, le premier film est aussi le dernier, donc plusieurs s'appliquent (et peut-être sacrifient) pour s'assurer d'un public. Mais Simon Galiero ne s'en est pas inquiété.
Jean-Paul est un écrivain qui reçoit avec un certain scepticisme les quelques hommages qui lui sont rendus alors qu'il n'a rien écrit depuis des années. Devenu fonctionnaire, il doit s'occuper du cas de Michel, un chômeur qui emménage chez son frère Marcel. Les Polonais Jacek et Janusz, perdus en forêt, discutent à haute-voix de leur société, mettant en évidence le fossé générationnel.
Les trois histoires parallèles de Nuages sur la ville s'imbriquent difficilement puisqu'elles baignent dans un cynisme qui ne semble pas convaincu. Des « lueurs d'espoir », donc des encouragements détournés, viennent faire dévier le propos. Le sens de la vie, c'est aussi le sens du film, qui semble insaisissable d'autant que l'intégration des Polonais est la plus faible, parce que la plus simpliste. La déroute postmoderne qui afflige les personnages, si elle est effectivement bien illustrée à quelques endroits (en particulier avec la fille et le petit-fils de Jean-Paul, qui sont des personnages fascinants), on cherche en vain une ligne directrice.
Déjà que Jean-Pierre Lefebvre et Robert Morin (en dehors de ses mises-en-scène) sont des acteurs médiocres, apparemment mal dirigés, qui frisent souvent le ridicule, il faut en plus constater que les contraintes budgétaires du film sont évidentes, et que cette modestie forcée n'a pas l'impact dramatique ou émotif souhaité. Prenant le parti pris du réalisme, du moins visuellement, le film semble parfois incongru tellement les décors sont contraignants.
L'humour aigre-doux - fort efficace au demeurant - qui sera développé par la suite signale qu'on a bel et bien affaire à un acte conscient et délibéré (dans certains autres cas de premiers films, honnêtement, on en doute...). Cela renforce le propos, mais cela ne l'aide pas à convaincre davantage de l'efficacité du film, c'est-à-dire à démontrer que le sujet est bien illustré par les choix du réalisateur. Le véritable tour de force aurait été de parler du même sujet - du manque flagrant de culture et de curiosité (donc de l'inculture) de la société - à travers les mécanismes habituels de diffusion à grande échelle. Ici, en s'adressant exclusivement aux cinéphiles les plus rigoureux, c'est comme si un professeur reprochait aux élèves présents le taux d'absentéisme élevé dans son cours... Et qu'on ne me sorte pas l'infecte « si une seule personne est convaincue, ce sera déjà une réussite... »
Mais bien sûr, on pourrait éventuellement dire que de voir Jean-Pierre Lefebvre et Robert Morin au cinéma donne envie de retourner voir leurs (premières?) oeuvres. Mais ce n'est pas une vraie qualité, c'est un nouveau symptôme de l'inculture dont nous nous rendons tous, à un moment où à un autre, coupables.