À moins de se retrouver devant un épisode de Mad Max, Mission: Impossible ou John Wick, il est plutôt difficile d'innover lorsque vient le temps de s'attaquer à un film d'action contemporain. Novocaine y arrive pourtant en reprenant les codes des longs métrages de superhéros.
Tout est une question de concept. Notre protagoniste (Jack Quaid) est atteint d'une maladie rare : il est insensible à la douleur physique. Qu'il s'ébouillante sans faire exprès ou qu'il reçoive un coup par inadvertance, il ne ressent absolument rien. Voilà la personne tout indiquée pour secourir son amoureuse (Amber Midthunder) lorsqu'elle se fait enlever par des voleurs de banque.
Le récit se plaît à le plonger dans les situations les plus dangereuses. D'une confrontation périlleuse dans une cuisine de restaurant à une séance de tatou qui tourne mal, en passant par une visite dans une maison parsemée de pièges, tout est prétexte à des scènes d'action. Et quelles scènes! Le corps humain est régulièrement broyé par des armes les plus improbables. La violence coule à flots et le cinéphile ressentira parfois physiquement la douleur du personnage en n’ayant aucun autre choix que de détourner le regard. L'humour noir et le ton ludique permettent cependant de dédramatiser ce qui arrive.
Ces séquences sont mises en scène avec énergie par Dan Berk et Robert Olsen (auteurs notamment de l'amusant Significant Other et du plus quelconque Villains), dont il s'agit du premier film à prendre l'affiche au Québec. Le duo s'amuse à passer du réalisme à une forme de cartoon, comme si Buster Keaton se permettait de revisiter Kung Fu Hustle. Le tout est arrosé d'hommages à Lethal Weapon, Rambo, Heat et autres Ambulance.
Sans ses moments musclés, le long métrage aurait paru bien terne et générique. Déjà que l'introduction sur les airs du groupe R.E.M. ne casse rien, il faut souvent se farcir des dialogues risibles et des tentatives de gags qui tombent à l'eau. L'intrigue superficielle et télécommandée est parsemée de rebondissements prévisibles et la romance en place, quoique mignonne et volontairement kitch, sonne faux.
C'est là que le film abat sa deuxième carte: Jack Quaid. Le fils de Meg Ryan et de Dennis Quaid avait déjà participé au cinquième épisode de Scream et il excellait récemment dans Companion. Le voilà trouver un rôle qui risque de lancer sa carrière. Il apporte une nonchalance bienvenue à un personnage gaffeur - on pense au Pierre Richard de la belle époque - qui aborde les situations absurdes avec sérieux. Comme croisement entre Joshua Jackson, Michael Shannon et Bill Hader, il n'y a rien de mieux.
L'acteur est si à l'aise qu'il éclipse instantanément ses partenaires, qui sont presque tous des stéréotypes ambulants, que ce soient les malfrats, les policiers ou l'ami virtuel. La seule exception est Amber Midthunder (remarquée dans Prey) qui tire son épingle du jeu grâce à son aisance naturelle.
Comme le rappelle l'un des ravisseurs, « ce qui est important, c'est de s'amuser». Ce sont ces mots d'ordre qui guident Novocaine dans ses excès les plus violents et hilarants. Ce série B aussi efficace qu'inégal peut compter dans ses rangs des scènes brutales qui sortent de l'ordinaire et un héros charismatique à souhait. Cela n'en fera peut-être pas une oeuvre marquante - comme le fut Monkey Man l'année dernière -, mais certainement un antidote rafraîchissant à un genre qui tourne de plus en plus en rond.