Deux années après le succès surprise de Get Out qui lui a permis de récolter beaucoup d'argent et même quatre nominations aux Oscars (dont celle du Meilleur film, ce qui est rarissime pour un long métrage horrifique), son réalisateur et scénariste Jordan Peele est de retour avec l'aussi diabolique Us.
Cela ne lui prend d'ailleurs que quelques minutes pour terrifier le spectateur. Quoi de mieux qu'une fillette perdue dans un parc d'attractions qui se retrouve dans une chambre de miroirs dont les reflets ne sont pas identiques? Frissons assurés!
Une fois passée cette brillante introduction, le récit démarre très lentement, alors que les vacances idylliques d'une famille ne se dérouleront, évidemment, pas comme prévu. Entre les sursauts gratuits et les tentatives désespérées d'humour du père, les clichés s'avèrent nombreux. Tout change heureusement lorsque débarquent de mystérieux et intrigants inconnus...
Pillant du côté des classiques de science-fiction des années 70 (The Stepford Wives, Invasion of the Body Snatchers), Peele revisite le thème du doppelgänger, ces doubles maléfiques. En laissant de côté la complexité inhérente au genre à un Kiyoshi Kurosawa, cela lui permet de s'amuser avec virtuosité, créant une tension permanente particulièrement anxiogène. Tout est prétexte aux cris et aux rires, à ce maelstrom de sensations fortes qui découle d'une apparition surprise ou d'une action incroyable. Sa mise en scène plastique est le terrain idéal à cet exercice de haute voltige où l'improbable est roi, alors que sa direction d'acteurs permet à l'étonnante Lupita Nyong'o de briller.
Il ne faudrait toutefois pas seulement y voir là un plaisir éphémère, un simple divertissement à usage unique. Tout comme Get Out qui pourfendait le racisme, Us explore ces zones sombres qui sommeillent chez l'être humain et qui peuvent surgir à chaque instant. Cette notion psychologique assez sommaire de la bête qui sommeille est enrichie de visées sociales plus larges. Ce ne sont plus seulement les individus qui sont concernés, mais les États-Unis au complet. Le titre anglophone ne renvoie-t-il pas d'ailleurs aux initiales de United States? Il y a des traumas terribles qui hantent l'âme d'une nation depuis des générations, comme la peur de l'autre et cette violence enracinée dans l'Histoire. Un jour ou l'autre, il faudra affronter cette dualité.
Le cinéaste joue à fond cette carte avec ses allusions au Mexique et au rêve américain (cauchemar serait plutôt le terme juste), détournant avec un malin plaisir les stéréotypes. Rien n'est très subtil dans cette démonstration qui a tendance à se perdre dans ses métaphores d'araignées et de lapins. Surtout pas sa finale, visuellement et musicalement impressionnantes avec ses emprunts à David Lynch en général et à Twin Peaks en particulier, qui finit par peser tant tout est surligné et expliqué encore et encore. À force de vouloir être clair, il faut dire adieu au mystère.
La meilleure façon d'être déçu est d'avoir des attentes, surtout après le brillant Get Out qui est sorti de nulle part. Bien que fait du même bois, Us appartient à un autre univers, encore plus délirant et effrayant celui-là, qui tente le grand écart entre le politique et le satirique. Sorry to Bother You et Assassination Nation y sont arrivés l'année dernière et c'est au tour de cette oeuvre tordue, appuyée et jouissive de lui succéder. En l'espace de deux films seulement, Jordan Peele est devenu le nouveau maître de l'horreur.