C'est plutôt déçu qu'on ressort de cette salle... Parce que les vingt-cinq premières minutes de We're the Millers sont tellement rafraîchissantes, tellement délinquantes et prometteuses que la dégringolade que prend l'histoire (devenant toujours de plus en plus mauvaise, atteignant des sommets d'insignifiance) blesse profondément notre coeur de cinéphile. Le portrait de ce vendeur de drogues qui doit se créer une fausse famille afin de passer plusieurs kilos de cocaïnes à la frontière mexicaine apporte son lot de surprises et une compétente trivialité à l'ensemble. Mais, plus l'histoire s'étoffe moins les situations sont surprenantes et moins l'irrévérence est efficace.
On ne peut, par contre, reprocher à We're the Millers de ne pas oser; le film se hasarde à des blagues à la limite du racisme, de l'homophobie et de tous ces tabous avec lesquels il faut savoir jongler avec prudence aux États-Unis pour ne pas éveiller la colère des personnes concernées. « On est homophobe si on refuse de mettre un pénis dans sa bouche »; c'est une réplique qui dépasse probablement les limites d'obscénité établies par plusieurs. Mais ce n'est pas uniquement au niveau des textes que le film ose, il s'aventure techniquement aussi sur certaines pentes glissantes. On va même jusqu'à briser le quatrième mur avec un regard à la caméra que Jason Sudeikis lance au public alors que Jennifer Aniston fait un striptease de plusieurs minutes - complètement inutile, d'ailleurs, au développement narratif et lors d'un moment plutôt inopportun. Même la morale (liens familiaux, solidarité, entraide) que l'on tente de nous inculquer est différente - à certains niveaux - de celle que nous enfonce généralement dans la gorge.
Ed Helms est très amusant dans ce personnage d'entrepreneur pédant qui ne sait plus quoi faire de tout son argent qui décide de s'acheter une orque et de le regarder manger ses autres poissons dans son aquarium géant. C'est cette spontanéité que nous aurions aimé retrouver tout au long du récit, mais dès que la roulotte a traversé la frontière, le rythme s'essouffle et on perd progressivement l'intérêt. Sudeikis, Aniston, Poulter et Roberts forment une famille aussi dysfonctionnelle que souhaité. On croit autant à leurs chicanes qu'à leur chimie. Même si le couple formé par Nick Offerman et Kathryn Hahn est probablement l'une des raisons de la dévaluation de l'histoire (probablement à cause de leur attitude et leur caractère trop typés), ils s'acquittent efficacement de leur tâche; faire rire simplement.
We're the Millers arrive à nous étonner, et c'est déjà beaucoup pour une comédie de ce genre, mais comme notre surprise n'est que provisoire et qu'on retrouve les meilleurs moments au début, il est difficile de ne pas ressentir une certaine déception. Depuis The Hangover et Horrible Bosses (dans laquelle jouaient aussi Bateman et Aniston), aucune comédie n'était parvenue à nous déstabiliser comme We're the Millers le fait dans sa première demi-heure, c'est donc plutôt amer que l'on fait le bilan de ce film en lequel, deux heures plus tôt, on fondait tant d'espoirs.