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On devrait tous être Jane.
C’est ce qui s’appelle être une sortie qui tombe à pic, ou à caractère providentiel. En effet, en juin dernier les juges de la Cour suprême, devenus majoritairement républicains sous Trump (alors que dans le film c’est l’inverse, ce qui montre le caractère rétrograde incroyable de tout cela et donne de la force au propos), ont invalidé le droit constitutionnel à l’avortement. Cela a permis à un tiers des États, les plus conservateurs, de supprimer ce droit chèrement acquis il y a un demi-siècle. Et « Call Jane » nous conte l’histoire d’une poignée de femmes à travers un récit qui s’avère donc ô combien nécessaire et en plein dans l’actualité. Ce ne sont pas des femmes qui militent pour l’avortement que l’on voit ici, mais un groupe formé par certaines d’entre elles qui ont décidé de créer un réseau clandestin pour avorter, se mettant donc hors-la-loi et susceptibles de prendre de lourdes peines de prison. Un peu comme on a pu le voir dans la Palme d’or roumaine « 4 mois, 3 semaines et deux jours », dans un mode bien plus austère et glauque.
Le long-métrage inspiré d’un véritable réseau dans le Chicago du début des années 70, n’a certes pas la force de frappe d’un autre film récent sur le sujet, l’immense choc français « L’Évènement » sorti l’an passé. Son pendant américain, moins radical mais se déroulant aussi presque deux décennies plus tard, rentre plus dans les cordes de ces films à thèse classique et académique à l’américaine. Il n’empêche, il est plaisant, réussi et interpelle quand on le met en perspective avec la décision fédérale incroyable et choquante de la Cour en juin dernier. Mais la plupart de ses défauts sont à mettre au crédit d’une première réalisation, encore timide, de la part de Phyllis Nagy, scénariste de l’immense « Carol » de Todd Haynes. Sa mise en scène est plus proche du téléfilm de luxe et manque de panache. Elle doit encore s’affirmer et cela se ressent dans la manière dont elle appréhende de manière très scolaire son sujet.
De plus, « Call Jane » est un peu long à l’allumage. La première demi-heure peine à démarrer mais lorsqu’on rentre dans le vif du sujet, on ne quitte plus l’écran et les deux heures passent à une vitesse folle, surtout que quelques notes d’humour bien senties (les scènes avec l’étudiant en médecine qui fait les avortements) et de tendresse (le final est très beau). Elizabeth Banks est excellente dans ce rôle de ménagère qui va se découvrir un don d’altruisme pour la cause et même aller au-delà. Elle amuse, attendrit et son personnage est attachant et pertinent. Dans un second rôle qu’on croirait écrit pour elle, la grande Sigourney Weaver est toujours aussi parfaite (et incroyablement jeune du haut de ses presque 75 ans!). Voilà donc une œuvre qui n’a rien de transcendant mais au propos ô combien important au vu des récents événements récents au pays de l’Oncle Sam. Tout cela manque un peu de cinéma sur la forme mais en ce qui concerne l’histoire de ces femmes, c’est passionnant et instructif tout en étant profondément militant.
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