Avec un sujet aussi carabiné que celui-ci et un réalisateur aussi exemplaire qu'Atom Egoyan, il était légitime d'envisager la réussite du drame judiciaire Devil's Knot. Malheureusement, le film n'est pas aussi épique que ce à quoi nous nous attendions. Peut-être est-ce un manque de personnalité dans la réalisation (une chose qui vient pourtant de soi lorsqu'Egoyan est affilié à un projet), un imbroglio dans les filons narratifs, ou un manque de rythme dans l'ensemble de la production, mais quoi qu'il en soit, Devil's Knot n'arrive pas à nous bouleverser comme on sent qu'il tend à le faire.
Évidemment, le sujet est d'une intensité et d'une atrocité inégalable. Le meurtre sadique de trois enfants de huit ans n'est pas aisément égalable en termes de monstruosité humaine. Le début s'avère aussi poignant que l'est le sujet exploité. La pêche des corps molestés des bambins dans l'eau du marais par les policiers bouleversés est une scène magnifique; silencieuse, tragique, déchirante. Aucune autre scène du film n'est aussi « belle » (parce qu'elle inflige le bon sentiment) que celle-ci.
Il faut l'avouer, le sceau de l'« histoire vraie » apporte une puissante compassion de la part du public qu'une simple fiction n'engendrerait pas. Tout le monde est conscient qu'un cinéaste apporte une touche sensationnelle à son oeuvre qui travestit parfois le « vrai » récit, mais ici, le seul fait que ces enfants aient été froidement assassinés dans ces bois, donne des frissons d'horreur dans le dos des cinéphiles et apporte une sorte de sympathie inhérente au film.
Les nombreux sous-textes, qui servent à orienter le spectateur dans le temps et l'espace, soutiennent et nourrissent cet important blason de l'histoire vraie. Comme il y en a énormément et que certains expliquent des éléments importants de l'histoire (par exemple qu'un témoignage n'a pas été retenu comme preuve officielle lors du procès), le spectateur se doit d'être attentif aux écrits, une chose qui peut facilement briser l'ambiance fiévreuse d'une scène. Autant de sous-titres est une chose risquée, qui ne fonctionne pas tout à fait ici.
Reese Witherspoon, qui incarne la mère d'un des enfants qui a été assassiné, livre une performance transcendante. On peut ressentir tout sa rage, mais aussi sa crainte et son désir de vérité. Colin Firth s'avère également particulièrement juste, quoi qu'il ne s'agisse pas du rôle de sa carrière. Les acteurs secondaires sont également très compétents, donnant une âme aux textes - bien écrits - de Scott Derrickson et Paul Harris Boardman.
Malgré ses quelques défauts, Devil's Knot est bien loin d'être un mauvais film. L'histoire est poignante et le fait qu'encore aujourd'hui nous ignorions ce qui est véritablement arrivé à ces trois enfants, apporte une étrangeté, un mystère à l'oeuvre qui obsède le spectateur, même après qu'il ait quitté la salle de cinéma. C'est un drame que l'on traîne avec nous, et donc, un film qui nous suit.