Noël n'est plus ce qu'il était. Du moins, au cinéma. Alors qu'il y a toujours eu des films intéressants sur le sujet comme It's a Wonderful Life, Le sapin a des boules et Love Actually, aujourd'hui il faut se farcir A Bad Moms Christmas et Daddy's Home 2. Noël & Cie (originellement intitulé Santa & Cie) avait le pouvoir de ramener les compteurs à zéro et d'effacer plusieurs années de vaches maigres. Des voeux irréalisables pour cette production dont le résultat n'est pas aussi réjouissant qu'on l'aurait souhaité.
Le projet est pourtant né de l'esprit fécond d'Alain Chabat, l'ex Nuls en chef, dont l'hilarant Astérix & Obélix: Mission Cléopâtre célèbre cette année son 15e anniversaire. C'était à une autre époque, avant le désastreux RRRrrrr!!!. Depuis il s'est cantonné au long métrage familial, d'abord avec Sur la piste du Marsupilami, puis avec cette relecture peu réussie de Miracle on 34th Street.
Sa nouvelle création débute toutefois de façon prometteuse. Santa (Chabat, évidemment, plutôt à l'aise) et son épouse (Audrey Tautou, trop peu présente) font un tri des lettres d'enfants. Les répliques lancées sont cocasses et on sent une réelle complicité entre les deux interprètes. Puis le Père Noël se rend à l'endroit où les lutins construisent les cadeaux, ce qui permet d'admirer cet univers magique. Malgré des effets spéciaux très inégaux, une féerie se dessine à l'horizon, laissant espérer un Elf à la sauce française.
Soudainement, les 92 000 lutins tombent malades à quelques jours du 25 décembre et Santa débarque à Paris pour trouver les 92 000 tubes de vitamine C pour les guérir. Ce changement de lieu fait partiellement disparaître l'intérêt, remplacé par des banalités. C'est l'éternel « étranger qui ne connaît rien à la société et qui se met les pieds dans les plats », amenant avec lui des gags prévisibles et répétitifs. Il est recueilli par une famille (Pio Marmaï et Golshifteh Farahani, sous-utilisés) qui l'accepte immédiatement et qui l'aidera dans sa tâche. Grâce à sa présence, le couple deviendra plus uni, leurs progénitures seront au septième ciel, l'humanité redécouvrira la magie de Noël et il y aura même une critique du capitalisme qui sera martelée toutes les cinq minutes.
Le long métrage n'est donc que morales par-dessus morales, des lieux communs et un manque flagrant d'inspiration. Il y a bien quelques moments plus rigolos et des rennes pas piqués des vers. Cela fait tout au plus un quart d'heure de bonheur. Sauf que l'ensemble s'étend sur 95 longues minutes. Comment remplir le reste? Avec des grimaces, des farces douteuses, des jeux de mots qui laissent à désirer et des règlements de compte puérils (par exemple sur l'état du cinéma, qui serait uniquement séparé entre les films d'auteur hermétiques et ceux de superhéros).
Hormis une séquence plus sombre et réussie sur l'existence sans Noël, Chabat semble s'adresser aux jeunes enfants. C'est tout à fait son droit. Il est plutôt difficile de rivaliser avec Le Père Noël est une ordure et le premier Bad Santa. Sauf que ce qu'il offre manque singulièrement d'attrait. The Santa Clause avec Tim Allen avait déjà tout dit en mieux. Le cinéaste et scénariste a beau réunir un casting de luxe, cela ne sert strictement à rien s'il ne leur écrit rien d'édifiant. Il avait pourtant eu le temps de se ressourcer depuis sa dernière réalisation, alors qu'il a joué l'acteur dans des projets vraiment amusants comme Réalité, Les gamins et L'écume des jours.
Noël & Cie n'est rien donc qu'une oeuvre poreuse, qui plaira seulement aux plus jeunes. Même techniquement, avec tous ces faux raccords, ce n'est pas la joie. Imaginons un instant le classique que cela aurait pu être si Chabat avait puisé au fond de ses munitions en s'inspirant davantage de l'esprit d'Astérix et Obélix que de celui du Marsupilami...