Devant la multiplication des blockbusters, des comédies recyclées et interchangeables, des films d'auteur sans personnalité et des autres inepties et redites du cinéma (hollywoodien, mais pas seulement), certains sont plutôt pessimistes et seraient prêts à jeter avec l'eau du bain absolument tout du « septième art ». Heureusement, à intervalle assez régulier, arrive un film comme No, de Pablo Larraín, qui nous rappelle qu'on peut utiliser le médium (les médias, dans ce cas précis), pour parler d'autre chose que de ce dont on parle. (C'est habituellement ça le but).
Rares sont les films qui parviennent à être si éminemment politiques sans devenir de simples pamphlets trop fortement connotés pour qu'on y adhère (voir les exemples propagandistes du cinéma américain). Ce film nous rappelle, avec une grande efficacité, que les films (tous les films, mais chacun à leur manière) parlent de nous, société, de nos habitudes, de nos désirs, de nos faiblesses, de nos qualités, et que c'est l'Homme qu'il faut connaître pour faire passer son message, dans une campagne référendaire au beau milieu d'une dictature ou juste au cinéma, en 2013.
Le réalisateur Pablo Larraín met donc en scène cette valse historique, politique et sociale qu'est No avec grand talent, ce qui qui se traduit par une profondeur narrative fascinante. Le récit va droit au but, tout en plaçant les personnages dans leur contexte pour nous les rendre accessibles. Des clins d'oeil, des références, de l'ironie, qui viennent souligner l'importance de l'image, du montage et de la joie dans le quotidien des gens, s'ajoutent à la trame. Narrativement, No est fascinant. Le récit, qui se déroule sur quelques semaines à peine, est prenant du début à la fin, parce que le message médiatique sous-jacent est audacieux et impénitent et, bien sûr, que cette histoire se déroule au beau milieu d'un moment important de l'Histoire.
Gael García Bernal est excellent dans le rôle principal, mais il est surtout fortement appuyé par un grand nombre d'acteurs de soutien extrêmement solides et crédibles. Ils sont efficaces justement parce qu'ils sont anonymes, même la vedette Bernal qui parvient à se faire oublier sous les traits de son personnage (et sous ses affreux vêtements).
Heureusement, No évite de juger trop précisément les crimes du Général Pinochet. Ce serait trop aride et redondant; on n'a pas besoin de faire à nouveau la preuve des excès de la dictature chilienne. Sage décision, en parfaite synchronie avec ce que prône le film. Car le réalisateur Larraín choisit, pour raconter, une réalisation très consciente, très anachronique, très manipulée (publicitaire?). Car bien sûr, si l'histoire se déroule en 1988, No parle de la société d'aujourd'hui... Son commentaire est satirique et intelligent.
Le risque était que cette réalisation ostentatoire prenne le dessus sur le sujet... ce qui est justement ce dont parle ce film : le médium est-il le message ou quoi? Tant que les changements sociaux sont concernés, oui.