Tout pour le style.
C’est peut-être le nommé à l’Oscar du meilleur film dont a le moins entendu parler. Aux côtés de mastodontes favoris (niveau ambition et potentialité en termes de récompenses) comme « The Brutalist », « Conclave » ou encore le controversé (pour rien) « Emilia Perez », de challengers comme le monstrueux dans le bon sens du terme « The Substance » ou la finalement gagnante Palme d’or « Anora », du film brésilien « Je suis toujours là » et d’une aberration comme « Wicked », il y avait « Nickel boys ». Acclamé par la critique américaine mais passé complètement inaperçu en salles (il n’est même pas sorti en France) où il a fait un bide aux States, cette adaptation d’un prix Pulitzer entend dénoncer les méfaits d’un pensionnant de redressement dans la Floride raciste des années 60. Prenant le chemin de la semi-fiction, le premier film de fiction justement du documentariste RaMell Ross était peut-être aussi le moins accessible de la compétition. Le long-métrage entend dénoncer le racisme comme beaucoup de films avant lui l’ont fait et révéler cette horrible histoire mais choisit des partis pris de mise en scène très particuliers. Et clivants.
Dès les premières images, on sent que la réalisation va être extrêmement stylisée. On voit tout du point de vue du personnage principal, à la première personne donc, et ce procédé ne va presque jamais être abandonné durant les deux heures et vingt minutes du film si ce n’est qu’on va parfois intervertir avec l’autre personnage d’importance, permettant ainsi de voir le visage du premier. Ce n’est pas juste un gimmick car ce choix fait du sens à plusieurs niveaux comme le confirme le final et même si ledit procédé s’avère un peu fatiguant et contraignant à la longue. Ross s’attarde aussi beaucoup à filmer des petits rien du quotidien tentant de rendre « Nickel Boys » poétique, presque onirique parfois. On est dans le contemplatif qui nous réserve quelques plans d’un sublime à couper le souffle. Dans son ensemble, la forme est même irréprochable, tout le visuel du long-métrage étant magnifique et cohérent. Cependant, cette tendance à l’esthétisant accouche d’une œuvre qui a tendance à se regarder le nombril. Et le côté envoûtant de l’inoubliable et méconnu « Waves », qui traite également des problèmes d’afro-américains par le prisme du racisme en Floride mais de manière contemporaine et auquel le film fait penser parfois, n’est pas atteint. Ici cette obsession pour le beau confine au maniérisme parfois épuisant. En gros, c’est un tour de force artistique au niveau visuel mais qui ne touche pas forcément son but et dessert le fond.
Mais, surtout, cette propension à chercher le plan parfait, original et esthétiquement époustouflant étouffe toute l’émotion nécessaire à un tel sujet. Tous ces choix de cadrages, de points de vue, de plans de coupe et de beau annihilent l’affect. De plus, la violence et la dureté de l’endroit est presque mise de côté, hors champ. On est loin de la dureté d’un « 12 years a slave » ou du récent « Till ». On a donc du mal à avoir de l’empathie pour des personnages qu’on ne voit presque pas, par la logique du processus. Et on ne comprend pas plus les tenants et les aboutissants régissant cette école. Comme si, à force d’être à la recherche de la mise en scène parfaite (ou plutôt tape-à-l’œil), Ross passait à côté de son film. Dans la dernière ligne droite, notamment grâce à des flashs forwards intéressants, « Nickel Boys » nous fait comprendre l’horreur qu’a été cette maison de redressement mais il est déjà trop tard. Possible que le dispositif formel en embarque certains mais il ne nous a pas convaincus malgré des images qui marquent la rétine par leur magnificence et un sujet passionnant mais abordé de manière trop particulière et peut-être pas adaptée.
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