Un concept intéressant ne donne pas nécessairement un bon film. C'est le cas de Don't Worry Darling qui n'exploite pas toujours correctement son riche potentiel.
Les membres de la communauté utopique Victory sont au septième ciel. Pendant que les hommes travaillent, les femmes demeurent à la maison ou s'amusent entre amies. Pourquoi se poser des questions et remettre en question l'ordre établi alors que tout semble parfait? C'est pourtant ce que fait Alice (Florence Pugh), au grand dam de son époux (Harry Styles) et de son entourage.
Don't Worry Darling a fait coulé beaucoup d'encre bien avant sa sortie. Shia LaBoeuf aurait été renvoyé à cause de son comportement répréhensible pendant le tournage, notamment envers sa vedette Florence Pugh.
Cette façon dont les hommes traitent les femmes s'avère d'ailleurs le coeur du long métrage. Il est question de misogynie, de violence et de manipulation. Des différents moyens que des instances masculines utilisent afin d'entrer dans la tête de leurs victimes. En filigrane se retrouve un regard critique sur l'Amérique patriarcale des années 50 et son désir d'asservir tout un sexe.
Le sujet est fascinant. Le scénario, lui, l'est beaucoup moins. Chacun des thèmes et des idées sont lourdement surlignés et intégrés au récit. Déjà que ce dernier ne brillait pas par son originalité ou sa subtilité. Cette dystopie futuriste rétro n'est-elle pas le même que dans The Stepford Wives? Évidemment qu'on fera éclater le vernis, comme dans Pleasantville et The Truman Show. C'est sans compter sur une surprise tardive qui évoque The Matrix, un montage qui rappelle Requiem for a Dream, une trame sonore qui lorgne par moment vers Ghost in the Shell, etc.
Appliquée sans être très personnalisée, la réalisation d'Olivia Wilde embrasse également les lieux communs, multipliant par exemple les séquences de miroirs. Afin de rendre palpable l'enfermement de l'héroïne, il n'y a pas une, pas deux, mais trois scènes métaphoriques! Le tout en cherchant à alimenter une tension psychologique et horrifique qui tombe souvent à l'eau. Si son flair esthétique demeure indéniable et la photographie de Matthew Libatique - surtout connu pour son travail avec Darren Aronofsky - admirable, l'ambition de la prémisse semble avoir dépassé la cinéaste, qui était beaucoup plus à l'aise sur son précédent et rafraîchissant Booksmart.
Au moins, il y a Florence Pugh, qui est toujours excellente. Elle élève constamment les enjeux, créant des moments enlevants, dont ce souper où elle confronte un gourou charismatique (Chris Pine, menaçant en clone de Ray Liotta). Manque de bol pour elle : on lui a confié comme mari Harry Styles, ce populaire chanteur, mais piètre acteur. Le duel au sommet n'a jamais lieu tant il est inégal.
Évidemment, si on veut la voir évoluer dans une société mystérieuse qui défie toutes les règles en place, mieux vaut se replonger dans le traumatisant et inoubliable Midsommar. Plus terne et fastidieux malgré ses quelques éclairs de génie, Don't Worry Darling n'a pas su développer son brillant concept, si ce n'est pour le ternir dans des zones conventionnelles et noyer au passage son message d'une importance capitale.