Ironiquement, si nous nous fions au cinéma post-apocalyptique des dernières années, nous pouvons nous attendre à ce que même la fin du monde vienne avec son lot de règles à suivre.
« Ne faites pas de bruit », « ne sortez pas la nuit », « gardez les yeux fermés »... Et à présent : « assurez-vous d'être toujours relié par une grande corde à votre demeure en bois ancestrale pour éviter de vous faire tourmenter par un esprit démoniaque ».
Oui, bon, celle-là est un tantinet plus précise que la moyenne, et permet surtout au réalisateur Alexandre Aja et aux scénaristes Kevin Coughlin et Ryan Grassby de souligner à très gros traits leurs élans allégoriques se déployant ici tel un buffet à volonté.
Mais y a-t-il seulement quelque chose de notable au-delà du sens profond agrafé à cette mécanique scénaristique?
La prémisse de Never Let Go nous amène à la rencontre d'une mère (Halle Berry) vivant avec ses deux garçons, Nolan (Percy Daggs IV) et Samuel (Anthony B. Jenkins), dans une vieille maison délabrée située au fin fond des bois.
La civilisation s'étant apparemment effondrée depuis un bon moment déjà, la matriarche tente de survivre de peine et de misère, et de garder sa progéniture à l'abri de la famine, et du mal qui rôde autour de leur demeure.
Pour empêcher cette entité démoniaque de s'emparer d'eux, tous trois doivent être attachés à une épaisse corde les reliant à leur maison dès qu'ils s'en éloignent un tant soit peu. Mais à la suite d'un incident, Nolan commence à douter de la véracité des dires de sa mère. Et si le trio n'avait finalement aucune raison de craindre leur environnement immédiat?
Filmant la nature d'un oeil aussi vif que contemplatif, évacuant toutes formes de technologie, et se concentrant sur cette petite parcelle de terre entourée de l'infiniment grand, Never Let Go ne peut qu'évoquer d'emblée le remarquable The Village de M. Night Shyamalan.
Visiblement conscients de cette inévitable comparaison, Aja et ses acolytes érigent leur intrigue en nous faisant anticiper l'inévitable révélation finale du début à la fin.
Le problème, c'est que même à 100 minutes, le film a tendance à s'étirer en longueur et à s'égarer entre les grandes lignes de son discours, comme les personnages peuvent ici s'égarer en forêt ou chercher la vérité au-delà de ce qui leur a été inculqué.
S'il cite autant les frères Grimm que la Bible, mélange métaphores de cordons ombilicaux et des origines du mal à une trame dramatique tournant autour de la peur de l'inconnu et d'un rite de passage pour le moins précoce, la proverbiale chair autour de l'os demeure plutôt mince. D'autant plus que le principal stratagème utilisé ici finit trop souvent par diminuer - ou carrément invalider - la teneur et le sens des intentions de départ.
Encore plus ironiquement, le scénario de Never Let Go finit par prendre la forme d'un serpent qui se mord la queue, laissant trop de questions sans réponses, et ne faisant jamais fi de ses contradictions les plus flagrantes.
Sur le plan formel, Alexandre Aja tire le maximum de ses décors et de son approche étonnamment tempérée, utilisant le montage et les effets sonores à tout aussi bon escient pour créer l'atmosphère voulue - à défaut d'être en mesure de la soutenir.
Au niveau de l'horreur, toutefois, la proposition demeure beaucoup trop mince, exploitant des rouages convenus et éculés ne débouchant sur rien de particulièrement mémorable.
La finale ose néanmoins approfondir une zone grise composée de vérités et de mensonges, plutôt que de trancher clairement la question en ce qui a trait au passé et aux traumatismes de la mère.
Bref, à l'instar de ses trois protagonistes, Never Let Go semble aussi lié à une corde le restreignant dans ses élans, et empêchant son idée de départ d'atteindre son plein potentiel.