2018 passera certainement à l'histoire comme l'année où il y a eu le plus de premiers films québécois... et de tous les genres possibles et inimaginables. Le petit nouveau en liste est Napoléon en apparte qui s'essaye à la comédie déjantée en frappant malheureusement son Waterloo.
Pauvre Napoléon (Jean-Michel Girouard)! Mésadapté dans bien des aspects de son existence, il en pince pour Joséphine (Joëlle Bond), une amoureuse des plantes. Mais comment un garçon aussi gauche et impotent sentimentalement arrivera-t-il à la conquérir?
Napoléon en apparte est un long métrage qu'on aurait voulu aimer. Dès les premières minutes apparaît une oeuvre gauche et brique à braque, faite avec des bouts de ficelles mais avec beaucoup d'authenticité. Une production indépendante entre amis, parsemée de clins d'oeil historiques et cinématographiques. Plusieurs aspects du mythique empereur français sont transposés dans l'existence du héros (un effet métaphorique également utilisé sur le supérieur La chute de Sparte), alors que le réalisateur Jeff Denis ponctue son récit d'allusions au western et à la comédie musicale, en mettant notamment des musiciens directement dans l'histoire et en soignant ses génériques.
Sauf que des idées lumineuses ne font pas nécessairement un bon film. Napoléon en apparte aurait davantage eu sa place en série web. Contrairement aux Scènes fortuites qui arrivait à s'affranchir de son format, cette création s'avère lourde même si elle ne dure que 80 minutes. L'humour en place d'une absurdité certaine ne plaira pas à tous et la répétition des jeux de mots douteux - sur le thème de planter sa graine - épuisera la patience de plus d'un cinéphile.
Plus problématiques sont les dialogues, abondants mais peu nutritifs, malgré l'omniprésence des cretons comme liant entre les gens. S'il est très écrit, le contenu laisse grandement à désirer, ce qui finit par se faire ressentir sur les épaules des talentueux acteurs, souvent laissés à eux-mêmes. Ces derniers, formés au théâtre, offrent une chimie qui est loin d'être négligeable (surtout entre Jean-Michel Girouard, Joëlle Bond et Maxime Robin qui campe un ami trop sympathique), bien que les rôles secondaires soient beaucoup moins soutenus.
Baignant dans la publicité (cela paraît, quelques chandails portés par des personnages sont hilarants), le réalisateur raffole de bandes dessinées, reprenant à son compte cet esthétisme. Il n'hésite donc pas à recourir à des bulles afin de faire parler ses êtres. Une idée fort louable qui, encore une fois, se retourne contre lui lorsqu'elle est utilisée trop abondamment, surtout lors de moments importants qui auraient pu donner une quelconque épaisseur psychologique ou romantique aux individus volontairement caricaturaux.
Autant l'ensemble déborde de flashs intrigants (la panoplie de plans symétriques, la fantaisie dans la mise en scène, l'hommage félin à Chris Marker: trois éléments qui se trouvaient déjà dans le plus abouti Claire l'hiver de Sophie Bédard Marcotte), autant l'apprentissage se fait parfois à la dure, ce qui est sans doute normal pour un premier film.
On ne pourra pas reprocher à Napoléon en apparte son manque d'originalité. L'effort sans compromis est unique dans le paysage cinématographique québécois. Tant mieux pour cette gang de chums qui s'amuse follement dans leur coin. C'est seulement dommage que le spectateur se sente en retrait, plus intéressé à quitter la fête qu'à voir comment elle va se terminer.