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Kurde or Japanses Style.
Bien accueilli au dernier Festival de Berlin, « My small land » est un premier film touchant, instructif et prometteur pour Emma Kawawada. Mais, surtout, et c’est sa grande valeur ajoutée, il est dépaysant. Doublement dépaysant même puisque on est immergé dans deux cultures qu’on n’aurait pas pensé voir mélangées sur grand écran : la culture nippone et la culture kurde (un peuple sans pays enclavé entre Turquie, Syrie, Iran et Irak comme nous l’apprend le film en plus de notre propre savoir géopolitique pour qui s’y intéresse). On a donc une œuvre qui parle des problèmes d’immigration dans un pays développé (encore plus quand on est réfugié politique comme ici), des légitimes et récurrentes difficultés d’adaptation mais aussi du mal du pays. Comme du fait avéré et logique que de se fondre dans une culture nouvelle et diamétralement opposée à la sienne n’est pas facile et qu’en tant qu’expatrié on aura toujours le cul entre deux chaises. Un constat qui clôt ce joli film telle une morale d’une acuité incontestable.
« My small land » prend un peu le rythme de ces deux cinématographies : un peu contemplatif comme un certain cinéma du proche et moyen Orient et un peu lent comme souvent dans le cinéma japonais qui prend son temps (en général, pour les deux ce n’est pas une vérité indéboulonnable). Mais, étrangement, on n’atteint pas la somme des deux et heureusement. Le film de Kawawada n’est jamais léthargique ou ennuyant ni même poseur. Seul le dernier tiers se confond en longueurs et sous-intrigues pas forcément utiles qui alourdissent le récit comme la fugue du petit frère ou l’histoire d’amour, sympathique au début, entre l’héroïne et un jeune japonais mais qui finit par détourner l’intérêt premier du film et de ses thématiques culturelles et migratoires. Dommage, car sur ces presque deux heures, un bon vingt minutes en moins l’aurait rendu meilleur sans cet aspect qui se traîne pour rien sur la fin.
La réalisation de Kawawada est encore timide mais pas pour autant plate ou laide. Elle illustre son propos de manière anodine mais elle sait diriger ses comédiens et retirer le meilleur d’eux-mêmes (la jeune actrice principale est charmante et prometteuse) tout comme elle apporte un soin poli à ses cadrages et plans. Le choc culturel n’est pas montré grossièrement mais au contraire avec beaucoup de tact et de finesse (le lisseur à cheveux pour avoir le même aspect capillaire que ses camarades asiatiques d’un côté ou les mariages arrangés entre kurdes au détour d’un dialogue de l’autre). Au final, « My small land » est un beau petit premier film au sujet original par son contexte mais beaucoup moins par son déroulement narratif en forme de récit d’apprentissage adolescent. Mais avec l’ombre de l’immigration qui plane au-dessus et lui donne tout son sel et son intérêt.
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