Moroccan Gigolos est une oeuvre légère et frivole; dans son sujet, dans ses textes, dans ses valeurs et ses ambitions morales, et même dans son interprétation et sa réalisation. La légèreté et la frivolité ne sont - évidemment - pas toujours des défauts. Un film léger, sans casse-tête qui ne se prend pas au sérieux et qui n'a d'autres prétentions que de nous divertir, est toujours le bienvenu dans le paysage cinématographique, s'il est bien fait et pas trop abrutissant. La dernière partie de cette phrase est importante. Le divertissement pur nécessite tout de même une certaine cohérence et une intelligence (aussi subtile soit-elle) pour atteindre son public. Moroccan Gigolos ne possède pas cette intelligence sensible qui peut pardonner le manque profondeur d'une oeuvre.
Trois jeunes hommes qui décident de faire de la prostitution pour s'acheter une sandwicherie, c'est n'importe quoi. Évidemment, tout ça est traité avec désinvolture et humour, mais l'aspect burlesque de la chose n'est pas suffisamment appuyé pour qu'on en arrive à oublier que trois jeunes hommes décident de faire de la prostitution pour s'acheter une sandwicherie... Si ces trois gaillards (dont un a une copine) l'avaient fait pour l'excitation, pour la nouveauté, pour se prouver quelque chose à eux-mêmes, peut-être que l'idée aurait mieux passée, mais il est complètement impossible d'oublier qu'ils vendent leur corps pour des sandwichs.
Le fait que les personnages sont interprétés de façon sérieuse et sentie par François Arnaud, Reda Chebchoubi et Eddy King ne fait que renforcer le sérieux de la chose, qui n'a définitivement pas besoin de davantage de solennité. Les acteurs ne sont pas mauvais, au contraire; Eddy King se débrouille très bien pour un non-professionnel, mais la profondeur de leur alter ego rend l'ensemble encore plus risible qu'au départ (et il l'était considérablement à la lecture du synopsis). Le personnage qu'incarne Guylaine Tremblay est absolument inutile. Le film arrive même à faire paraître Tremblay comme d'une comédienne interchangeable, ce qu'on sait complètement faux.
On ne peut pas dire que l'humour vole haut dans Moroccan Gigolos. Sans y aller dans l'intellectualisation et la subtilité, peut-être aurait-on pu éviter les poncifs de Viagra, de sous-vêtements en léopards et de strings, de fantasmes tordus de vieilles bourgeoises et de pharmacien sans souci de confidentialité. La réalisation d'Ismaël Saidi n'apporte rien de bien pertinent à la production non plus. Discrète, monotone, la caméra de Saidi ne nous procure aucun argument suffisant pour rétablir l'honneur de l'oeuvre. Même si le film ne dure que 83 minutes, il nous paraît interminable. Énormément de passages sont inutiles (pour ne pas dire qu'il s'agit d'une oeuvre inutile) et manquent de cohésion avec le reste du récit.
Moroccan Gigolos fait partie de ces oeuvres qui n'auraient jamais dû se retrouver sur nos écrans, mais qui y font un bref passage en raison de tous les Québécois qui figurent au générique. Il y a probablement de bonnes intentions derrière Moroccan Gigolos mais, comme elles sont entraînées par une mauvaise idée, elles n'ont bientôt plus d'influence sur le rendu.