Il y a de ces films où il faut en savoir le moins possible pour les apprécier à leur juste valeur. Même si on devine aisément le pot au rose (Les Nôtres étant le plus récent exemple en liste), l'intérêt réside ailleurs et il demeure entier. Mont Foster fait partie de ces créations.
Le récit débute dans une aura de mystère, alors qu'un couple (Laurence Leboeuf et Patrick Hivon) se remet de peine et de misère d'une épreuve. Afin de se ressourcer et de se retrouver, il décide de passer quelques journées dans leur maison de campagne, située en pleine forêt. Mauvaise idée. Madame commence à perdre la tête alors que monsieur la regarde sans trop broncher.
Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures pour trouver les causes de ce désarroi. Le septième art québécois est peuplé de ces histoires de couples qui ne voient pas les choses de la même façon et qui s'entredéchirent sur fond de culpabilité et de solitude. Il s'agit d'un huis clos mental, centré sur les non-dits et les regards, où les pauvres âmes en place ne détiennent pas nécessairement de perspective morale. Cela pousse l'ambiguïté à son paroxysme, offrant la latitude nécessaire aux acteurs pour briller. Laurence Leboeuf aura rarement trouvé un rôle aussi intéressant au cinéma, aux côtés d'un Patrick Hivon énigmatique à souhait.
Ce qui permet au long métrage de se démarquer est le choix fait par le cinéaste et scénariste Louis Godbout d'enraciner l'intrigue dans le conte, la fable. Il s'agit en fait d'une relecture du poème Le roi des Aulnes de Goethe. Réalité et folie s'entremêlent constamment dans cet univers mystique où tout n'est que symboles. Un procédé qui peut rapidement s'avérer chargé (les animaux, les graffitis sur les fenêtres, la figure sacrificielle, etc.). Surtout que les modèles, largement supérieurs, s'avèrent clairement identifiables, que ce soit les opus Antichrist et Melancholia de Lars von Trier.
N'empêche que pour sa première réalisation, celui qui est également professeur de philosophie à ses heures ose explorer un territoire vierge dans notre cinématographie. Sa mise en scène stylisée évoque la transcendance par son utilisation de musique classique et l'élévation par ses plans larges et ses drones. Sa façon de lier la protagoniste à la nature ne manque d'ailleurs pas d'intérêt, rappelant le travail de Darren Aronofsky sur son mal-aimé mother! (où Leboeuf y faisait justement une apparition).
Encore là, ce sont les excès souvent caractéristiques des premières oeuvres qui finissent par mettre du plomb dans l'aile. Une dichotomie primaire et superficielle se dessine entre l'homme fort et cérébral devant l'héroïne maternelle et émotive. Évidemment que la discussion sur fond de raison - sur la conscience, le Bien et le Mal, la bête sauvage sommeillant en nous qui est prête à ressurgir soudainement - se déroule entre deux êtres de sexe masculin, alors que c'est une femme qui suscitera des maux encore plus grands...
Thriller psychologique gorgé d'hallucinations, de cauchemars et de poésie, Mont Foster en fait plus que nécessaire en confrontant allègrement la lumière à la noirceur. Le trip esthétique en place est sans doute plus intéressant que ce qui est raconté. Sauf que l'ensemble mérite malgré tout qu'on s'y attarde, seulement pour sa magnifique introduction et pour constater les balbutiements plus que prometteurs d'un auteur à suivre de près.