Après avoir incarné au grand écran à peu près tout ce qui est concevable pour un seul homme : un agent fédéral déterminé, le bandit de la forêt par excellence, un garde du corps, un personnificateur d'Elvis, un joueur de baseball, un homme-poisson et, plus récemment, un sauveteur en haute mer, Kevin Costner devient dans Monsieur Brooks un tueur en série littéralement dépendant du meurtre. Une performance colossale, magistralement appuyée par William Hurt. Dommage que le film ait quelques défauts qui font de l'ombre à une performance digne d'un second souffle et d'une seconde chance.
Earl Brooks est un mari et un père de famille exemplaire, un patron prospère et « l'homme de l'année » selon la Chambre de Commerce de Portland. Souffrant d'un dédoublement de la personnalité, il prend plaisir à commettre des meurtres, mais contient sa dépendance en assistant à des rencontres des Alcooliques Anonymes. À cause d'une maladresse, il est pris sur le fait par un photographe qui lui demande de l'emmener avec lui pour commettre son prochain meurtre. Tout ça pendant qu'une policière déterminée se lance à la poursuite du tueur en série.
Dès le départ, le film s'inscrit comme un thriller qui mise sur un scénario rigoureux. Les dialogues sont réalistes et les situations plausibles. Des cachotteries, des secrets, le sentiment que les personnages ont toujours un pas d'avance sur le spectateur; voilà comment se vit Monsieur Brooks. Le thriller est efficace et minutieux. Évidemment, les incohérences ne sont pas toutes évitées, mais en général, le film laisse une bonne impression, particulièrement lorsque Brooks manoeuvre avec ses problèmes familiaux.
Le fascinant personnage de William Hurt, Marshall, une hallucination que seul Brooks peut voir et entendre, s'avère rafraîchissant et drôle. Belle trouvaille et surtout bon moyen de donner un air de nouveauté à un genre classique qui a bien besoin de se renouveler. La complicité installée entre les deux acteurs principaux est extrêmement efficace. Sauf que Monsieur Brooks n'arrive pas à se détacher complètement de sa filiation avec le suspense conventionnel et se sent obligé d'intégrer l'histoire de faible envergure d'une policière et de son divorce inutile. De quoi saboter le rythme et diminuer l'intérêt, d'autant qu'on a rapidement l'intérêt qu'on l'utilise pour terminer le récit quand on n'a plus envie de continuer.
Sans se préoccuper outre mesure de la morale, le film exploite le même plaisir sadique qui donne naissance à la violence au cinéma et à la télévision, mais sans l'appui visuel. Comme l'alcoolisme, la dépendance au meurtre est ici un plaisir cérébral bien emmené et efficace.
De quoi réhabiliter Kevin Costner avec le monde du cinéma hollywoodien. Ironique, quand même, puisqu'il n'est pas très différent qu'à l'habitude; son air impassible et son jeu succinct sont simplement plus utiles dans la peau d'un tueur en série intelligent et méthodique que dans ses rôles passés. Le véhicule qu'on lui a offert pour se mettre en valeur, malgré quelques choix encombrants, remplit bien son rôle.
Kevin Costner devient dans Monsieur Brooks un tueur en série littéralement dépendant du meurtre. Une performance colossale, magistralement appuyée par William Hurt. Dommage que le film ait quelques défauts qui font de l'ombre à une performance digne d'un second souffle et d'une seconde chance.
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