J'ai grandi avec l'album 20 chansons d'or. J'ai assurément usé ce CD que j'ai écouté et réécouté. Son oeuvre, intemporelle, s'apprécie à tout âge et en toute occasion. Si le film Monsieur Aznavour a ceci de bon, c'est d'utiliser brillamment ses chansons et de nous faire redécouvrir toute la puissance et toute la beauté des paroles qu'il avait composées. Il est toujours captivant d'être témoin de la création d'une oeuvre, de comprendre son contexte et de mieux saisir l'émotion que l'artiste tenait à provoquer chez son public. Cet aspect du film est assez réussi. MAIS. Seraient-ce les seuls points positifs?
Monsieur Aznavour retrace le parcours du célèbre chanteur franco-arménien, de son enfance à Paris au sein d'une famille modeste d'immigrants, jusqu'à son décès en 2018, à l'âge de 94 ans. Le film est donc - vous l'aurez deviné - très long (2 heures 14 minutes). On s'attarde à plusieurs aspects de sa vie : son enfance pendant la Deuxième Guerre mondiale, ses débuts dans les cabarets avec son premier complice de scène Pierre Roche, sa rencontre déterminante avec Édith Piaf qui le prendra sous son aile, son premier mariage, ses années à Montréal (Serge Postigo incarne un des propriétaires d'un club de la métropole), ses tournées, ses conquêtes, ses parents, sa soeur, ses enfants illégitimes et j'en passe! Le tout - comble du kitsch - est découpé en chapitres, ces derniers présentés grossièrement dans un carnet toutes les vingt minutes (environ). Un « plaisir démodé » s'il en est un.
On sent bien sûr toute l'admiration que les réalisateurs Mehdi Idir et Grand Corps Malade ont pour le chanteur de « La Bohème ». Mais voilà, peut-être un peu trop. Car c'est un Charles Aznavour tout propre et sans nuance qui nous est proposé. Comme pour ne pas froisser la famille du monstre sacré de la chanson française, les parties sombres du personnage sont complètement éclipsées. Pourtant, on constate aisément que son besoin incessant de créer, son côté « workaholic » (il travaillait en moyenne 17 heures par jour), son éternelle insatisfaction et ses ambitions démesurées ne le rendaient pas si sympathique pour ses proches et ses fidèles collaborateurs.
Tahar Rahim, acteur de grand talent, a suivi pendant des mois des cours de chant et de piano pour se préparer à incarner Aznavour. Il a étudié minutieusement la gestuelle, les mimiques et bien sûr la voix unique du Sinatra français. Les prothèses, le maquillage et tout le reste, donnent vraiment l'impression de voir Aznavour. Malheureusement, tout cela est plus impressionnant que convaincant. Il y a dans son interprétation un inexplicable manque de passion et d'authenticité. Il faut dire aussi que la réalisation est assez conventionnelle, on suppose que la direction d'acteurs l'ait été tout autant. On ne révolutionne pas du tout le cinéma ici. C'est bien dommage, mais c'est le lot de la plupart des films biographiques : on privilégie le mimétisme à la profondeur. On veut raconter beaucoup, beaucoup de choses et on s'y perd un peu. Et pourtant, la vie d'Aznavour étant fascinante et oui, assez inspirante, on ne peut sortir du film sans vouloir chercher à en savoir plus. On aura bien sûr envie de (ré)écouter ses grands succès. Vous aurez même peut-être envie d'écouter du rap. En effet, une des meilleures scènes du film est une transition entre les cuivres de la chanson « Parce que tu crois » et la reprise « What's The Diffence » de Dr Dre, Eminem et Xzibit. On aurait pris plus de ce genre d'extravagance.
« Je suis fait pour amuser le public », a déjà déclaré le chanteur en entrevue. Et bien, c'est exactement le destin du film. Monsieur Aznavour ne passera pas à l'histoire, mais saura vous divertir.