Succéder à un excellent film est toujours un exercice périlleux. Il n'y a rien de plus facile que de tomber dans la redite, alors que changer complètement de registre comporte toujours des risques et périls. Et s'il y avait une voie entre ces deux extrémités? C'est ce que tente de trouver Maïwenn avec Mon roi qui ne comporte malheureusement pas la même force dramatique que Polisse.
Ce nouveau long métrage de la populaire comédienne en est un d'amour fou et de passion dévorante. D'amants obsédés l'un par l'autre qui n'arrivent pas à être heureux ensemble. Entre une avocate comme les autres (Emmanuelle Bercot) et un tombeur playboy énigmatique (Vincent Cassel), c'est le nirvana, l'apothéose, le septième ciel. Un feu qui se consume et se rallume continuellement, brûlant du coup les deux amoureux éconduits.
Une intensité de tous les instants qui finit par épuiser le spectateur. Surtout que les dialogues semblent branchés sur au moins 100 000 volts. Les personnages explosent pour des riens du début à la fin, se voulant plus énervants que touchants. Récompensée à Canne d'un prix d'interprétation, Emmanuelle Bercot tape rapidement sur les nerfs avec son jeu maniéré. L'alter ego de la cinéaste en fait beaucoup trop et on lui préfère nettement Vincent Cassel en parfait salaud charismatique. S'il y a une certaine chimie entre les deux acteurs et un humour conjoint qui fait du bien, leur relation n'apparaît pas toujours crédible. Un problème de taille lorsque le couple apparaît au coeur de l'intrigue.
Maïwenn compense cette faiblesse narrative en offrant une mise en scène vigoureuse. Elle délaisse l'influence de la Nouvelle Vague de ses précédentes offrandes pour un rendu plus naturaliste à la façon des films américains des années 70, combinant la liberté d'un John Cassavetes au kitch propre de Claude Lelouch. Son talent de réalisatrice ne fait aucun doute et quelques moments ensoleillés sont littéralement touchés par la grâce.
Mais pourquoi s'est-elle sentie obligée de casser sa structure temporelle en multipliant les retours dans le temps? Ainsi le présent de l'histoire - où l'héroïne se remet d'un accident au genou - n'est qu'une lourde métaphore sur la nécessité de se "réparer" et de profiter pleinement de la vie, tandis que les liens sociaux formés avec les autres personnes éprouvées rappellent ceux de Polisse, en beaucoup moins subtils, évidemment.
Sorte de Blue Valentine français où n'importe quelle raison est bonne pour crier, hurler et s'engueuler, Mon roi ne fait pas dans la demi-mesure. Les personnages sont hystériques, névrosés, et leurs interprètes s'en donnent à coeur joie. Formidable directrice d'acteurs, Maïwenn prend également du galon en tant que cinéaste. Il ne lui manque qu'à apprendre l'art de la réserve pour ne pas que ses efforts implosent avant la fin.