Quand un studio déplace continuellement un film sur son calendrier, c'est rarement un signe de succès (même s'il s'évertuera à nous convaincre que c'est pour nous donner « le meilleur résultat possible »). C'est même souvent l'indice d'un navet avec lequel on ne sait plus quoi faire. Et c'est encore pire si le film en question, qui devait initialement prendre l'affiche au printemps (une période assez profitable pour les blockbusters), est déplacé jusqu'en septembre (une période plutôt morte) pour finir son parcours à la fin janvier (un très mauvais moment pour sortir un film - les gens sont lavés du temps des fêtes et consomment généralement peu de cinéma). La bêtise de I, Frankenstein était donc prévisible; ce n'était qu'une simple question de mathématiques.
Par contre, l'évidence n'excuse rien. I, Frankenstein est le navet saisonnier auquel on s'attendait, mais qui ne nous dégoûte pas moins pour autant. Déjà, la seule élaboration des prémisses déconcerte. Cette version du monstre de Frankenstein est particulièrement jolie pour un assemblage d'organes et de membres d'humains décédés, en putréfaction. Ses cicatrices sont si peu visibles qu'il peut se promener sans gêne dans la foule, sans que personne ne remarque ses coutures; il ne lui faut qu'un capuchon et le tour est joué!
Les personnages secondaires sont tout aussi ridicules que l'est le héros. « L’Ordre des gargouilles » (qui ne peut être pris au sérieux tant son titre est loufoque) et ses soldats - qui ont des relations étroites avec les archanges, dont le célèbre Gabriel - sont d'une gravité démesurée pour le nom de leur clan et leur mission ambiguë envers les humains. Le méchant principal manque aussi beaucoup de sérieux et de profondeur. Homme d'affaires pour les uns, Prince des ténèbres pour les autres, Naberius n'a pas la carrure du parfait vilain. Et il est inutile de parler du rôle de la scientifique féminine humaine sans queue ni tête jouée par Yvonne Strahovski qui a très peu de mal a accepter l'existence de créatures surnaturelles dans son monde et qui se lance dans la gueule du loup, comme une blonde aux gros seins dans les films d'horreur.
Probablement qu'il est superflu aussi de commenter les nombreuses incohérences qui parsèment le récit (la découverte du carnet de Victor Frankenstein dans les poches du veston de son cadavre, l'imbrication de l'idée d'un Dieu omnipuissant qui pourrait être outrepassé par des démons crapuleux, ...); elles sont presque sous-entendues dans un film titré I, Frankenstein, qui met en vedette Aaron Eckhart presque aussi musclé que Chris Hemsworth dans Thor.
Même les effets spéciaux dans I, Frankenstein s'avèrent lacunaires (et ce n'est pas une chose que l'on pardonne facilement de nos jours la qualité du visuel). On a l'impression que les démons ont emprunté les masques des vampires de la série télévisée Buffy, datant quand même de 1997. On sent les green screen dans les scènes d'action et les effets désignant la mort des gargouilles ou des démons ne sont pas d'une grande originalité, ni d'une grande efficacité techniquement. La transformation des gargouilles est assez fluide, il faut le dire, mais cela ne nous aide en rien à comprendre leur raison d'être.
I, Frankenstein était probablement un échec dès la première esquisse du scénario, et ce n'est définitivement pas le choix de sa date de sortie qui a influencé son crétinisme. En mars, en septembre ou en janvier, ce film est abrutissant.