OFNI champêtre et bucolique.
En voilà un drôle de film! Nommé sept fois aux derniers Césars à la surprise générale (certains déploraient la place prise par « Miséricorde » au sein des nominations en lieu et place des sempiternels oublis propres à chacun), ce film rural et rare a pourtant bien du mérite. Il n’est certes pas forcément aimable de prime abord ni facile d’accès mais il demeure clairement bien plus accessible que la plupart des films de son réalisateur, Alain Guiraudie. Un cinéaste iconoclaste, adepte des récits champêtres et campagnards et du plaisir entre hommes ainsi que d’un réalisme souvent cru et d’histoires à dormir debout bien qu’elles demeurent ancrées dans le réel. Jusque-là son meilleur opus demeurait probablement « L’Inconnu du lac » mais par sa propension à être presque plus classique et visible par tous, son nouveau film nous a tout autant plu. Et, après le « Quand vient l’automne » d’Ozon, voilà un second film où la cueillette des champignons a son importance et qui les met à l’honneur pour une œuvre délicieusement bucolique.
Difficile de résumer un film comme « Miséricorde », une œuvre qui se ressent plus qu’autre chose, au gré des pérégrinations de son personnage principal incarné par un nouveau venu remarquable en la personne de Félix Kysyl, parfait. On a certes – et c’est l’un des petits défauts du film – du mal à comprendre et cerner ses motivations, envies et pensées mais il s’incarne, par ses errances dans ce petit village de l’Aveyron, comme le gouvernail narratif du film. On est plus étonné de voir la grande Catherine Frot chez Guiraudie; elle est la première grande comédienne francaise à s’illustrer chez ce cinéaste un peu en marge. L’actrice entre dans son univers avec une aisance naturelle qui prouve encore une fois qu’elle fait partie des plus grandes, même si on peut avancer que le rôle qu’elle joue ici lui ressemble. Et entre le curé ou Walter, les autres personnages de second plan (et leurs interprètes méconnus) sont tout aussi admirables. Guiraudie filme tout ce petit monde comme il l’a toujours fait, sans grande originalité formelle certes mais à sa petite façon à lui, nous réservant tout de même de très jolis plans sur la forêt, entre brumes matinales et tapis de feuilles orangé.
On navigue entre quelques pointes d’humour savamment dosées, une étude du microcosme campagnard qu’affectionne tant le cinéaste et une part de suspense suite à un meurtre. L’avantage avec « Miséricorde » c’est qu’on ne sait jamais comment cela va se terminer et le caractère imprévisible de ce script à la frontière des genres est donc l’un de ses plus beaux atouts. Les dialogues sont écrits avec beaucoup de soin et les diverses situations entre les personnages permettent une dynamique qui décortique le désir de manière peu commune. Même si on a un peu de mal à cerner les réelles intentions du cinéaste qui ne s’embarrasse encore une fois pas d’une quelconque morale dans son film, le mystère fonctionne et nous capte. À la lisière de l’étrange, filmant des situations réalistes de manière parfois proche du surréalisme et ne lésinant pas sur les chemins de traverse (notamment l’excellente dernière partie avec les gendarmes et le curé), le long-métrage plaît par sa liberté de ton, son aspect bucolique rare et ses digressions inattendues. Petit plaisir.
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