Daniel Grou, alias Podz, s'intéresse dans son oeuvre - cinéma et télé sans distinction - aux détails qui font des humains des êtres complexes (simple constat), eux qui sont depuis toujours la matière première de l'art (ce n'est pas une coïncidence). Ses oeuvres parlent de toutes ces choses sur lesquelles les hommes et les femmes se mentent, à eux-mêmes ou aux autres, et cherchent une véracité qu'on ne retrouve dans nos interactions sociales. Miraculum, en ce sens, s'inscrit dans une continuité thématique et formelle, sans être cependant la marque d'un progrès.
Cela doit être lié aux thèmes : la vie, la mort, le destin, la foi. Au scénario, des thèmes éthérés, moins consensuels certainement que l'amitié, l'amour ou les enfants, qui sont ici traités avec pudeur et mystère. L'ambiance est celle du rêve, des fantômes, des réflexions, des miroirs. La musique omniprésente et la lumière renforcent cette impression. Il y a de tout pour tout le monde; alpha et oméga, des personnages de tous âges, de toutes classes, avec des problèmes de toutes les sortes, dont le sens commun se fait attendre jusqu'à une phrase finale (risquée) prononcée sur fond noir. Malheureusement, la proposition tombe à plat.
Voilà qui est étrange puisque Grou n'a jamais eu peur d'aborder des thématiques moins consensuelles. Mais il est moins efficace, moins perspicace. Déjà, sa caméra, si elle a des similitudes techniques avec ses oeuvres antérieures, nous paraît moins intrusive, moins intransigeante, peut-être à cause de la multiplication des personnages, qui ont de toute façon un intérêt inégal. Ils semblent « libres » de sortir du cadre, d'aller pudiquement nous cacher leur véritable nature, ce qui ne nous aurait pas paru possible dans Les sept jours du Talion, 19-2 ou dans Minuit, le soir.
Comme dans tout film choral, toutes les histoires de Miraculum n'ont pas le même intérêt, mais ce n'est jamais à défaut de ne pouvoir compter sur des comédiens convaincants. Marilyn Castonguay est particulièrement efficace. La jeune actrice, qui incarne en quelque sorte la balise du récit, demeure crédible malgré les silences et malgré les coïncidences qui font de son personnage le lien entre la majorité des récits. Robin Aubert convainc par sa propre conviction, tandis que Xavier Dolan propose un personnage intéressant, mais trop peu présent.
Sauf qu'un récit qui amalgame toutes ces trames sous-entend une cohérence narrative, ce qui n'est pas très clair ici, vu les nombreux non-dits, vu l'aspect éphémère de ces rencontres, qui n'ont lieu que très rarement. Le récit ne tire pas pleinement profit de ces moments de tension, lorsque les trames se croisent. Le propos y est présent et la plupart du temps cohérent, mais l'émotion y est comme en attente, plus réfléchie que ressentie, que viscérale. C'est pourtant de là que devrait jaillir la force des observations humaines et sociales, qui ne sont peut-être pas suffisamment développées.
Miraculum n'oblige heureusement personne à adhérer à son hypothèse. C'est à la fois une qualité et un défaut. On aurait pourtant souhaité que son impact émotif immédiat soit plus grand, question d'être véritablement bouleversé. C'est pour ces raisons que Miraculum s'adresse surtout à la mémoire à long terme, que l'impact qu'il risque d'avoir sur les gens est celui de la réflexion aux intentions philosophiques. Difficile de mesurer son impact ainsi, en quelques jours à peine.