Il y a quelque chose d'intemporel dans le cinéma de Woody Allen, quelque chose d'humain, d'empathique, une poésie qui transcende l'image et le texte. Certes, certains films furent moins bien réussis - on peut penser, entre autres, aux récents Cassandra's Dream et Whatever Works qui souffraient d'une carence de magie, de lyrisme caractéristique aux oeuvres du réalisateur new-yorkais -, mais la plupart ne ratent pas leur cible. C'est une fois de plus le cas avec Midnight in Paris, qui nous fait voyager à travers différentes époques en plus de suggérer certaines réflexions sur la nôtre. La profondeur des dialogues et des sujets développés, la supériorité du jeu des acteurs ainsi que la réalisation épurée - qui arrive à transmettre toute la beauté et le charme de la Ville lumière sans tomber dans les poncifs de la tour Effel et des Champs Élysées -, sont l'armature d'une production américaine aux saveurs européennes remarquables.
Le principal protagoniste, incarné honorablement par Owen Wilson, est un scénariste hollywoodien qui rêve d'une vie plus simple et d'un monde moins égoïste. Alors qu'un soir il arpente les ruelles de Paris, il se fait aborder par des gens étranges, costumés en personnages célèbres des années 20, qui l'implorent de les suivre. L'homme monte donc à bord de leur véhicule d'époque et s'engage, inconsciemment, dans une épopée à travers les âges. Cet élément surnaturel de voyage dans le temps aurait pu facilement détonner au coeur d'une fable moderne comme a l'habitude d'écrire Woody Allen, mais le cinéaste rend la chose si anodine et probante que le spectateur ne peut qu'adhérer à cette réalité et s'extasier, à l'instar du personnage principal, des virtuoses célèbres qui défilent à l'écran. D'un pompeux Salvator Dali (brillamment interprété par Adrien Brody), obnubilé par la finesse du rhinocéros à un Pablo Picasso nerveux, qui dessine sa muse de manière trop charnelle, les sommités du domaine artistique des années 20 se succèdent sous nos yeux et nous dévoilent un aspect de leur singulière (et souvent excentrique) personnalité. Même si la représentation de ces derniers reste subjective - issue de l'imagination foisonnante du réalisateur -, plusieurs éléments d'archive - notamment délivrés par la guide Carla Bruni - viennent appuyer ses dires et concrétiser le portrait qu'en fait le cinéaste.
La musique classique, le langage cérémonial et les somptueux costumes d'antan contribuent à la qualité de la reconstitution historique, globalement efficace et crédible. À travers cette fresque sur l'art et la société qui le consomme, Allen nous amène à nous questionner sur l'intérêt de ce dernier et ses bienfaits à travers les âges et, surtout, sur la tendance des créateurs à envier le passé, à le magnifier naïvement. Toutes les générations ont le même discours: « c'était mieux avant », et pourtant si Salvador Dalí enviait le travail de Paul Gauguin ou de Henri de Toulouse-Lautrec, quelqu'un un jour admirera les oeuvres d'un artiste de notre époque dont on ignore aujourd'hui l'existence, trop occupés à idéaliser nos ancêtres. Un jour même on encensera probablement ce Woody Allen, maître de cinématographie contemporaine - et déjà admiré à son époque - qui, malgré ses 75 ans, réussissait encore à faire des films magnifiques, sentis et pénétrant.
À travers cette fresque sur l'art et la société qui le consomme, Allen nous amène à nous questionner sur l'intérêt de ce dernier, ses bienfaits à travers les âges et, surtout, sur la tendance des créateurs à envier le passé, à le magnifier naïvement.
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