Comme bien des gens, je me demande pourquoi les Américains insistent pour refaire la franchise suédoise Millénium. Avec des artisans talentueux comme David Fincher et Steven Zaillian, on pouvait excuser en partie la reprise du premier volet en 2011, mais comme le réalisateur et le scénariste ne sont plus attachés au projet, on s'interroge sérieusement sur l'entêtement de Sony à faire revivre Lisbeth Salander, maintenant près de 10 ans après la sortie du premier film en version originale. Même les grands fans de la série de romans cultes de Stieg Larsson sont passés à autre chose et ne pensent plus aux aventures macabres de la pirate informatique gothique. Certes, l'héroïne a peut-être un écho différent dans cette nouvelle ère du #metoo, mais ce mouvement à lui seul n'est pas une raison suffisante pour ressasser ainsi le passé.
Peut-être qu'une adaptation spectaculaire de ce second chapitre nous aurait permit de considérer la chose de façon moins amère, mais ce remake sans personnalité ne fait que renforcer notre consternation. La réalisation de Fede Alvarez, connu surtout pour son travail sur des films d'horreur, comme le récent succès Don't Breathe, n'est pas catastrophique, au contraire, mais le cinéaste n'arrive pas, avec sa caméra nerveuse et son esthétique glauque, à nous faire oublier les versions précédentes. Il y avait une saveur exotique dans les chapitres originaux de Millénium qu'on ne retrouve plus ici. Les Américains ont pris le contrôle de cette histoire et bien qu'elle se déroule toujours en Suède, on y reconnaît désormais des influences de James Bond ou de Mission impossible (on s'imagine même dans Fast and Furious à certains moments).
La trame narrative originale a aussi été beaucoup simplifiée entre les mains d'Hollywood. Il n'est pas nécessaire d'avoir vu le premier volet pour comprendre cette seconde proposition. Beaucoup des problèmes de Lisbeth et des autres personnages se résolvent par d'heureuses coïncidences. Les choses étaient légèrement plus élaborées dans le roman de Larsson et même dans les adaptations cinématographiques originales.
L'acteur d'origine suédoise Sverrir Gudnason est convaincant dans le rôle du journaliste d'enquête Mikael Blomkvist, mais son rôle est si peu important dans ce nouveau film qu'il est à peine nécessaire qu'on le mentionne. Le rôle de Lisbeth Salander est un cadeau pour une actrice. Un personnage aussi torturé, révolté et belliqueux est un défi de taille, que la comédienne Claire Foy a relevé avec brio. Elle arrive presque à nous faire oublier la performance carabinée de Rooney Mara (elle ne va quand même pas, par contre, jusqu'à nous faire renier Noomi Rapace).
Les raccourcis empruntés par The Girl in the Spider's Web en font une oeuvre secondaire, oubliable. Ceux qui n'ont jamais vu ou lu la franchise Millénium pourraient peut-être y trouver leur compte, mais, même là, il existe bien d'autres suspenses policiers plus captivants que celui-ci. Pourquoi s'entêter à ressasser le passé?