Vu au Festival du film de Toronto.
Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas vu Johnny Depp dans un rôle aussi marquant que celui-là et une performance qui lui permet de démontrer l'étendue de ses talents. L'interprète d'Edward Scissorhands donne ici l'une de ses meilleures performances en carrière (nous pourrions dire qu'il s'agit de LA meilleure, mais nous nous gardons certaines réserves considérant les rôles mémorables qui ont fait sa renommée et qui ont marqué l'imaginaire de bien des cinéphiles).
Depp est ici remarquable dans le rôle de l'un des criminels les plus notoires de l'histoire des États-Unis, soit le Bostonais James 'Whitey' Bulger, qui a été informateur pour le FBI dans les années 1970 et 1980, ce qui lui a permis de devenir ainsi un homme puissant et (presque) intouchable qui fait loi dans son quartier. Jamais l'acteur ne nous amène à croire que Bulger était un être fondamentalement méchant. Bien sûr, nous sommes témoin des atrocités qu'il commet et commande, mais Depp insuffle à son alter ego une sensibilité surprenante (notamment au sein de sa relation avec son fils, son frère et sa mère) qui nous happe rapidement. Il parvient à nous transmettre également toute la frayeur qui se dégage de cet homme. Par son regard bleu clair pénétrant, par ses gestes mesurés et sa stature imposante, le comédien brosse un portrait réaliste de ce tortionnaire légendaire.
Mais, bien que la performance de Johnny Depp est probablement la cause principale de la réussite de ce film, plusieurs éléments contribuent à son efficacité, à commencer par la direction artistique. Les costumes d'époque (à la fois très réaliste et artistique), les maquillages et les décors sublimes apportent beaucoup à l'aspect véridique de l'oeuvre. La direction photo, sobre et ensorcelante, va de pair avec la réalisation mesurée et pénétrante de Scott Cooper.
Black Mass est définitivement un film contenant énormément de violence, mais cette dernière est nécessaire vu le sujet exploité. Bien qu'on ne se lance pas dans l'excès (le sang ne gicle que lorsque la situation s'y prête), le cinéaste n'a pas fait preuve d'une pudeur mal placée. La plupart des meurtres sont commis dans une ambiance macabre, qui sied divinement avec celle présente dans l'ensemble du film. Certains de ces homicides nous donnent froid dans le dos, un sentiment qu'on aime éprouver dans ce genre de production.
Il y a peut-être bien quelques longueurs dans Black Mass, et il ne s'agit pas d'une oeuvre aussi parfaite que ne l'étaient The Godfather de Francis Ford Coppola ou The Departed de Martin Scorsese, mais elle est certainement dans la même veine que ces classiques indémodables. Merci à Scott Cooper d'avoir offert un second souffle à la carrière déclinante de Johnny Depp et aux films de gangsters en général, dont nous avions momentanément oublié le potentiel dramatique.