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Amour, abus et démence.
Michel Franco est un cinéaste clivant. On aime son style et ses sujets chocs tout comme la manière dont ils sont traités... Ou on déteste. En tout cas, à l’instar de son cousin autrichien Michael Haneke dont les thématiques et manières de faire développent des accointances, il ne laisse personne indifférent. On lui doit des monuments de cinéma indépendant tels que « Despues de Lucia » ou « New Order », des claques qui nous scotchent au siège avec des scènes chocs souvent imprévisibles, violentes visuellement ou mentalement, et des conclusions qui font froid dans le dos. Ce n’est pas le plus connu mais c’est certainement l’un des cinéastes mexicains les plus importants de notre époque aux côtés des Inarritu, Cuaron ou Del Toro. Pour son premier vrai passage du côté du cinéma américain (même s’il a fait tourner quelques acteurs anglophones dans ses films dont Tim Roth deux fois), il livre son film peut-être le plus sage et le plus apaisant (toutes proportions gardées concernant le bonhomme). Certaines de ses œuvres avaient certes des passages et des histoires moins intenses, dures et tragiques que d’autres (« Les filles d’Avril » et « Sundown » peut-être, et encore) mais pas au même niveau que ce « Memory » qui place des sujets certes difficiles mais coulés dans une belle histoire d’amour dont on n’aurait pas imaginé le cinéaste capable.
Comme à son habitude, l’histoire confectionnée par ses soins avance masquée. Difficile de comprendre tout de suite de quoi il retourne et les éléments qui permettent d’en savoir plus sont habilement distillés au compte-goutte. Cela permet d’entretenir le mystère et un certain malaise, la tonalité de l’ensemble étant plutôt grise et triste qu’ensoleillée et joyeuse. Par petites touches, le profil du personnage principal (et surtout son passé et ce qu’elle a subi) se fait jour. Dans la dernière partie, une séquence monstrueuse, comme le cinéaste a l’habitude de nous en offrir, filmée en plan large avec presque tous les protagonistes du film se présente comme le moment cathartique du long-métrage. Aussi bien pour le spectateur que pour les personnages. Ce moment éclaire sous un jour nouveau (et parfaitement) cet habile « Memory ». Il permet ensuite à la partie lumineuse et sentimentale de se concrétiser et de terminer le film sur une belle note pleine d’espoir montrant que l’amour est plus fort que les tumultes du passé ou la maladie. Une conclusion optimiste et rare chez l’auteur et qui lui va plutôt bien.
En effet, même s’il continue de filmer comme il l’a toujours fait (de manière clinique et froide), Franco se fait plus doux et positif sur le fond. Les plans sont toujours aussi statiques et étudiés, comme si la caméra était là par hasard et filmait l’intimité de ses personnages sans qu’ils le sachent. Malgré tout, certaines séquences sont magnifiques, cette façon de cadrer et confectionner ses plans n’empêchant pas les sentiments de s’exprimer comme dans une scène de sexe pudique et belle à en mourir, peut-être la plus belle vue depuis des mois. Mais aussi dans celle de la baignoire, tout simplement sublime. Ces deux être écornés par la vie qui se trouvent sur un malentendu sont beaux à voir et heureusement que Franco a choisi un final positif pour une fois, le contraire nous eut frustré et attristé. Et que dire des prestations immenses et incontestablement justes et touchantes de Peter Sarsgaard et Jessica Chasatain dans des rôles complexes. L’un des plus beaux duos de cinéma vus depuis longtemps et un cinéaste qui nous étonne. Malgré sa lenteur et sa froideur apparente, « Memory » est encore une fois une belle réussite de la part de son auteur.
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