« Just like a monkey, I've been dancing my whole life. But you just beg to see me dance just one more time » - Tones and I, « Dance Monkey »
Après que Pharrell Williams nous a raconté sa vie en blocs Lego dans Piece by Piece, un autre Williams - le Britannique Robbie cette fois-ci - narre la sienne tandis qu'un chimpanzé numérique créé à son image chante, danse et accumule les excès à l'écran dans Better Man.
Il s'agit certainement d'une façon inusitée de dévier un tant soit peu de la formule habituelle du biopic musical. Heureusement, avec l'aide du réalisateur Michael Gracey (The Greatest Showman), l'emploi de cette image aussi poilue que symbolique n'a rien d'un simple effet de style.
Plus impressionnant et inattendu encore, le résultat est si concluant d'un point de vue technique qu'on finit par ne voir que la star derrière le primate animée. Surtout, cela permet au principal intéressé d'incarner son propre rôle de manière crue et irrévérencieuse, marquée par autant de pointes de vulnérabilité que de moments d'extase et d'autodérision.
Si sa popularité est moins imposante de ce côté-ci de l'Atlantique, Robbie Williams est une star incontestée sur le vieux continent. Du départ de son père durant son enfance à son ascension vers la gloire en tant qu'artiste solo, en passant par un premier avant-goût de la célébrité au sein du boy band Take That, sa touchante relation avec sa grand-mère et son histoire d'amour sinueuse avec Nicole Appleton, Better Man braque les projecteurs sur les sommets vertigineux et les bas abyssaux du show business.
Évidemment, l'ascension fulgurante et la chute brutale sont indissociables de tout récit impliquant sexe, drogue et musique pop. La particularité dans le cas de Better Man, c'est que les deux se produisent simultanément, Williams étant continuellement confronté à ses nombreuses insécurités, qu'il a tenté avec très peu de succès de noyer dans l'alcool et les substances illicites.
Il est d'ailleurs assez surprenant de voir l'artiste laver à ce point son linge sale sur la place publique, assumant pleinement ses erreurs comme son caractère égocentrique et autodestructeur. Le tout à l'intérieur d'un tourbillon dramatique et musical par l'entremise duquel le réalisateur démontre bien comment il a pu être ardu pour l'artiste d'apprécier les résultats de cette course folle vers le sommet des palmarès tellement le parcours aura été sinueux et chaotique.
Évidemment, Better Man est aussi une comédie musicale dans laquelle sont mis en valeur quelques-uns des plus gros succès de la carrière de Robbie Williams. Et ces séquences s'avèrent aussi délirantes et éclatées (« Rock DJ ») qu'émouvantes (« She's the One »), brutales (« Come Undone », « Let Me Entertain You ») et inspirantes (« Something Beautiful »).
Certes, le long métrage de Michael Gracey utilise de façon on ne peut plus appuyée les métaphores et les analogies pour exprimer les différents états d'esprit de son protagoniste. Le cinéaste trouve néanmoins une manière assez ingénieuse et sentie de mettre ses images en relation avec ce qui demeure, au final, l'essence de toutes bonnes chansons pop.
Dans son ensemble, la mise en scène à la fois inventive, précise et énergique de Gracey se révèle à la hauteur des excès et de la démesure caractérisant son sujet.
Exaltant, hilarant, touchant et étourdissant, Better Man célèbre sans demi-mesure le talent scénique de calibre mondial de Robbie Williams, mais fait aussi de même en ce qui a trait au prix très personnel à payer pour atteindre un tel niveau de célébrité - et au chemin de croix s'imposant de plus en plus comme un passage obligé. Jusqu'au tout dernier instant, Williams se dévoile avec une honnêteté radicale, sur un ton aussi baveux que complice et vulnérable.