Quatre années après avoir conclu sa pénible trilogie du Hobbit, Peter Jackson est de retour avec Mortal Engines, l'adaptation du roman de Philip Reeve qui pourrait très bien se transformer en une série de quatre films.
Un effort considérable a ainsi été apporté afin de créer une nouvelle mythologie. Il y a ce monde détruit qui survit de peine et de misère après l'apocalypse, des villes érigées sur d'immenses structures métalliques en mouvements qui passent leur temps à se battre, un méchant tout puissant qui développe un complot dans l'ombre, une jeune élue élevée par un androïde qui se joint à la résistance, un homme sans histoire qui devra choisir son clan, etc.
Cette histoire semble familière? C'est normal, il s'agit d'un clone de Star Wars, arrosé de références à Stardust et La cité des enfants perdus. Ce qui est important n'est pas tant le récit principal que l'éventualité des suites. Peu importe que la trame narrative soit chaotique, si on met tout en place pour un second épisode, puis un troisième... Peter Jackson et ses fidèles acolytes au scénario Fran Walsh et Philippa Boyens peinent à rendre intéressante cette saga qui a pourtant tout le potentiel pour sortir du lot. Cette ville de Londres qui détruit tout sur son passage, n'est-ce justement pas le symbole du capitalisme sauvage et même du Brexit? Tant de liens avec le monde réel qui sont laissés en plan.
On ne pourra pas pour autant trouver source de réconfort auprès des personnages, qui laissent indifférents avec leurs coupes de cheveux ridicules. Difficile de trouver plus terne que Robert Sheehan, dont le manque évident de charisme n'empêche pas de faire fondre le coeur de la jeune rebelle Hera Hilmar. Cette dernière a beau ressembler à la grande Ingrid Bergman, elle ne possède pas sa prestance. Surtout qu'elle n'est pas toujours très crédible dans sa façon d'arborer une cicatrice sur son visage : peut-être aurait-elle dû demander des conseils à la Rachel Weisz de The Favourite. Hormis l'éternel méchant Hugo Weaving qui fronce à nouveau les sourcils avec délectation, il n'y a aucun rôle à s'accrocher tant les individus sont sommairement esquissés par des comédiens au talent discutable. En fait, la seule « entité » dotée d'une quelconque psychologie est l'androïde, qui semble tout droit provenir de l'animation 9.
Tout cela est évidemment bien secondaire, car l'intérêt relatif de la production réside ailleurs. On mise encore une fois le tout pour le tout sur l'univers graphique et les effets spéciaux : les principales qualités du réalisateur Christian Rivers et proche collaborateur de Jackson depuis 25 ans. Les amateurs de fonds verts seront comblés, surtout qu'un véritable souci esthétique ressort de ce long métrage soigné, qui débute sur des chapeaux de roues avec une introduction endiablée à la Mad Max: Fury Road (on est même allé chercher son compositeur). Par la suite, le rythme est beaucoup moins soutenu, bien que les nombreuses scènes d'action viennent favorablement secouer l'intrigue. Puis il y a toutes ces jolies trouvailles visuelles, pas forcément originales - les villes qui se déplacent sur des engins sont pratiquement un calque de l'extraordinaire Château ambulant - mais pas désagréables pour autant.
La machine est suffisamment bien huilée pour qu'on en vienne presque à oublier la vacuité de l'entreprise. C'était avant l'apparition de cette conclusion horriblement longue et décevante, qui multiplie les coups de théâtre risibles, les situations incongrues, les dialogues ampoulés et les réactions involontairement hilarantes des personnages. À côté de Mortal Engines, Star Wars ressemble pratiquement à du Shakespeare. Dans des mains plus appliquées, cela aurait pu faire une bonne série de science-fiction. Mais si celles qui ont adapté brillamment au cinéma Lord of the Rings ont échoué, qui aurait pu réussir un tel tour de force?