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Jeu de miroir et duel d'actrices.
Todd Haynes reste l’un des plus grands cinéastes américains indépendants contemporains. Auteur de sublimes et raffinés mélodrames tels que « Loin du Paradis » ou « Carol », il a également signé récemment l’excellent thriller dramatique tiré d’une histoire vraie « Dark Waters » et il est de retour pour une œuvre qui s’annonçait hautement alléchante. En effet, avec « May December », il retrouve sa muse Julianne Moore et invite Natalie Portman pour l’affronter au sein d’une histoire qui parle (un peu) de cinéma mais aussi des femmes. Tout cela est enveloppé dans une chronique au sujet hautement sulfureux hésitant dans sa tonalité entre les mélodrames de Douglas Sirk (sur ce coup-là, on est peu surpris vu ses œuvres précédentes) et les jeux de miroir à la Brian de Palma ou Alfred Hitchcock. Bref, que de l’intrigant et la promesse d’un grand film pour Netflix (le premier film de plateforme du réalisateur, même s’il sortira en salles dans certains pays dont la France). Le résultat n’est pourtant pas aussi exceptionnel qu’attendu.
« May December » est bien plus sage que ce que l’on n’aurait imaginé, surtout avec un sujet aussi polémique que celui dont on ne parle pas dans le résumé. Timoré et frileux même devrait-on dire. Il s’axera d’ailleurs bien plus sur son autre versant, celui du double par le biais du septième art avec cette actrice qui va vampiriser et singer celle qu’elle va interpréter et inversement. Néanmoins, le film se suit avec plaisir car on ne sait jamais où le script va nous emmener. L’étude psychologique des personnages est probante et les révélations sur celui de Gracie qui arrivent au compte-gouttes maintiennent l’attention et entretiennent le mystère. On gratte sa personnalité petit à petit et comme le personnage est passionnant, l’intérêt du spectateur est toujours alimenté en carburant. Et les jeux de miroir entre les deux actrices (dans le film) est admirablement bien rendu. L’accompagnement sonore est en revanche parfois un peu grossier voire grotesque et tonitruant.
L’atout principal de ce long-métrage demeure bien sûr et sans surprise l’excellence de ces deux actrices et la jubilation de les voir se confronter. Elles éclipsent d’ailleurs le reste de la distribution. Julianne Moore est comme toujours impeccable et se tire avec les honneurs d’un rôle difficile et trouble. Son jeu rappelle un peu celui qu’elle avait il y a vingt-cinq ans dans le méconnu mais magnifique film de Robert Altman, « Cookie’s Fortune ». En plus amoral ici. D’ailleurs dommage que cette amoralité et ce côté sulfureux ne soit pas davantage traité frontalement. Quant à Natalie Portman qu’on n’avait pas vu depuis un bail (hormis le navet « Thor : Love and Thunder ») et l’époustouflant et dérangeant « Annihilation » dans un tout autre registre, elle tient là sa meilleure composition depuis longtemps en jeune starlette investie dans sa recherche de la prestation parfaite. « May December » doit beaucoup à leur confrontation dans la chaleur moite du Vieux Sud.
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