Quelle étrange trilogie que celle de Ti West et Mia Goth. Car la sinueuse et sanglante épopée de Maxine et de Pearl est désormais autant celle de l'actrice que du réalisateur d'un point de vue créatif.
D'un hommage au Texas Chainsaw Massacre de Tobe Hooper, West et Goth ont d'abord fait marche arrière pour nous offrir un A Star Is Born avorté en technicolor, puis nous propulse à présent au coeur du plus années 1980 des pastiches des années 1980.
Visiblement, X n'était qu'un passage obligé pour West. Une façon de mettre ses pions en place, d'introduire ses personnages clés, et d'articuler sa trame dramatique autour de thèmes et d'intentions on ne peut plus limpides. Et les films que le cinéaste voulait réellement tourner allaient venir bien assez tôt.
Évidemment, le plaisir que nous pouvons tirer de ces trois opus - individuellement et en un tout - dépend de notre propension à vouloir suivre West et Goth dans leurs idées se dispersant un peu plus d'un épisode à l'autre, mais suivant néanmoins un fil conducteur bien défini. Et celui-ci est mis beaucoup plus en évidence dans ce troisième tour de piste.
Nous retrouvons Maxine Minx (Goth) à Hollywood, en 1985, six ans après le massacre insensé survenu au Texas. La jeune femme a depuis fait son chemin dans l'industrie du X, et vient tout juste de décrocher le rôle principal dans un film d'horreur aussi attendu que controversé.
Mais comme les choses ne se passent jamais comme prévu pour la principale intéressée, un mystérieux tueur en série sévit depuis peu aux alentours de Sunset Boulevard. Et les corps qui s'accumulent semblent vouloir remonter lentement, mais sûrement, jusqu'à elle.
Ne voulant pas saboter ce qui pourrait bien être son unique chance de devenir une vraie star, Maxine doit se résoudre à faire face à un passé qu'elle croyait pourtant avoir réussi à semer.
De ses tubes qui vous resteront en tête pendant des jours à sa réalisation parfaitement tapageuse et son montage énergique à souhait, en passant par ses décors clinquants, une direction photo minutieusement calquée sur celle de l'époque, et une Mia Goth ayant de l'attitude à revendre, MaXXXine est assurément le film le plus maximaliste qu'ait réalisé Ti West à ce jour.
L'ensemble se déploie à l'intérieur d'un univers sale, excessif et déchéant. Une ville où les rêves se transforment plus souvent qu'autrement en cauchemars, où même un imitateur de Buster Keaton peut soudainement se transformer en agresseur. Cela faisait d'ailleurs un certain temps que nous n'avions pas eu droit à un film d'horreur urbain aussi cohérent et bien ficelé.
En plus de Mia Goth, Kevin Bacon offre également une performance jouissive dans la peau d'un détective privé crasseux, tout comme Elizabeth Debicki dans celle d'une réalisatrice de films d'horreur ayant un goût (très) marqué pour la controverse.
Surtout, MaXXXine s'impose comme une lettre d'amour au septième art et aux films de genre, en particulier au slasher (omniprésent dans la décennie revisitée), au giallo et aux thrillers policiers un peu broche à foin de la même époque. Le tout en ne lésinant pas non plus sur les citations directes, allant des suites de Psycho à l'immense Chinatown de Roman Polanski.
Évidemment, les clins d'oeil et les références visuelles ne font pas un bon film. West en est bien conscient, et réussit à contextualiser son hommage d'une manière aussi pertinente que diablement divertissante.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si MaXXXine se déroule à une période dans l'Histoire américaine où plusieurs instances religieuses et politiques livraient un combat acharné à l'industrie du divertissement pour ses valeurs jugées immorales et décadentes.
En ce sens, il n'y a pas vraiment de mystère à savoir qui est l'être enragé qui se cache derrière ces gants de cuir craquant au moindre signe de désarroi.
De toute façon, le coeur de MaXXXine ne se situe pas dans la trame d'un énième « whodunnit ». West signe plutôt un exercice vibrant et irrévérencieux ayant pour trame de fond l'évolution des moeurs, les discours contradictoires - pour ne pas dire hypocrites -, l'art et la nécessité de la provocation. West s'attaque de manière tout aussi frontale à une industrie qui aurait dû s'adonner à un sérieux examen de conscience depuis longtemps, au coût réel du rêve américain, et surtout à l'illusion de son accessibilité.
À travers son lot de séquences brutales et volontairement suresthétisée, le cinéaste poursuit au final son discours un tantinet déjanté sur l'émancipation féminine en soulignant à répétition la ténacité, l'acharnement et la force de caractère de son improbable héroïne, telle une fleur ayant su trouver racine et pousser au milieu d'un dépotoire.