Sachez, d'abord, qu'un(e) critique n'éprouve aucun plaisir à détruire en quelques heures à peine le travail de plusieurs années d'un artiste passionné malgré ce que certains en pensent, mais c'est notre boulot, et ça fait partie du métier que de vivre avec les commentaires négatifs ou moins élogieux des journalistes. Je me permets cette introduction formelle aujourd'hui parce que Mars et Avril est, à mes yeux (et à mon grand désarroi), un échec notoire. La croissante diversité au sein du paysage cinématographique québécois amène un souffle nouveau et rafraîchissant à notre septième art. De voir apparaître une oeuvre de science-fiction était d'autant plus excitant, sachant que nous avons les moyens et la volonté de parfaire notre cinéma. Par contre, cette intrusion dans un univers technique, allégorique et virtuel mérite d'être remise en question lorsque naît de tant d'efforts un film absurde comme Mars et Avril.
Martin Villeneuve, qui a réalisé et co-écrit le long métrage, a tenté d'insuffler à son oeuvre un aspect philosophique, un angle presque psychanalytique, mais n'a pu faire mieux que des répliques empruntées et typées telles que « Le rêve est la porte d'accès à tout ce qui est possible », « Rien ne se perd, rien ne se crée », « La solution est en toi », « Le monde qui nous entoure n'est qu'une illusion » et j'en passe. L'hypothèse élémentaire de ce film reste loufoque même après les mises au point laborieuses des personnages. Ce septuagénaire sex-symbol qui fait de la musique enivrante grâce aux instruments inspirés du corps des femmes qu'imagine son ami Arthur et construits par le père de ce dernier (un Robert Lepage holographique) ne parvient jamais à atteindre une quelconque pertinence. Certains plaideront probablement que c'est le genre qui impose une telle confusion, une telle symbolique à la production, mais la science-fiction ne peut endosser autant de sottises.
La direction artistique mérite à tout le moins quelques félicitations. Imaginer et construire un monde futuriste sans les trentaines de millions des Américains et leurs installations à la fine pointe de la technologie s'avère tout de même un exploit. La plupart des scènes semblent avoir été tournées sur des écrans verts et le résultat est fort respectable. On ne peut, par contre, pas en dire autant des costumes qui, malgré leur extravagance, rendent la chose encore plus risible qu'elle ne l'est déjà. Les marsonautes (ces astronautes qui visitent la planète Mars) portent aux pieds des couvre-chaussures en plastique bleu et le barman n'est rien de moins qu'un robot en papier cartonné.
L'interprétation trop théâtrale et maniérée des comédiens n'aide en rien à la crédibilité de l'oeuvre et à l'attachement que le public pourrait avoir à l'égard de leurs personnages. Les acteurs ne sont pas mauvais, au contraire, mais ils suivent une trajectoire alambiquée qui, tout compte fait, rappelle l'ensemble de la production et désarçonne le spectateur (et pas dans le bon sens).
L'univers fantastique de Mars et Avril est très difficile à assimiler pour le cinéphile moyen et le film ne nous donne malheureusement pas les clés pour le comprendre et s'y familiariser. Mars et Avril, première oeuvre de science-fiction québécoise, ne peut, malheureusement, être considérée comme autre chose qu'un échec. Peut-être aura-t-il l'excuse « du premier », mais c'est une indulgence qu'on ne permet qu'une seule fois.