Lorsque, en 2011, Daniel Auteuil a réalisé La fille du puisatier - son premier long métrage à titre de metteur en scène après une longue et fructueuse carrière de comédien (qui n'est pas terminée, ne soyons pas prophète de malheur) - il a présenté une oeuvre simple et respectueuse, qui proposait en quelque sorte un voyage spatio-temporel vers la Provence d'une autre époque. Pas révolutionnaire pour deux sous, son film était pourtant charmant et réjouissant. Marius, et bientôt Fanny (qui prendra l'affiche vendredi prochain), sont conçus de la même manière, avec un petit trait mélodramatique en plus, mais toujours avec le charme du chaud soleil du sud de la France, de ses accents et de dilemmes moraux achroniques rares et par extension tout simplement adorables.
La réussite d'un duo de films comme Marius et Fanny est surtout une question de ton; mais voilà justement un défi particulièrement délicat. Remake de deux oeuvres reconnues de Marcel Pagnol (comme pour La fille du puisatier), elles-mêmes adaptées de deux pièces de théâtre montées entre 1929 et 1931, les deux longs métrages sont donc des films qui portent déjà en eux beaucoup d'histoire, et dans certains cas des souvenirs. Il est donc tout à fait approprié que Auteuil les dirige de manière pratiquement anonyme, laissant toute la place au texte, à l'histoire et aux interprètes. Il rythme bien le récit, mais sa caméra se fait pratiquement invisible, lorsqu'elle n'est pas tout simplement théâtrale.
Deux mots-clés ici : simple et charmant. Le récit ne propose au fond qu'une histoire d'amour (impossible) - Fanny aime Marius, Marius l'aime aussi, et pourtant... - et quelques discussions de bars, mais il en ressort une belle humanité, souvent sous-entendue, entre ces amis qui se disputent puis se pardonnent, ce père et de ce fils qui se disent qu'ils « s'aiment bien » et la ravissante et rêveuse Fanny, on trouve dans Marius et dans Fanny des personnages riches. Leur destin nous est rapidement cher.
Ces personnages délicieux, truculents, d'une belle naïveté sans cynisme qui se fait rare au cinéma à notre époque, sont immédiatement attachants. Certes, les dialogues y sont pour beaucoup, eux qui sont particulièrement bien rythmés et déstabilisants, mais il faut aussi souligner la complicité des interprètes, alors que Daniel Auteuil s'est donné le rôle du patriarche César, qu'il a confié celui de Marius à Raphaël Personnaz (ce dernier pourrait bien y trouver son meilleur rôle en carrière) et à la délicieuse Victoire Belezy celui de Fanny. Ils sont tous trois efficaces, rendant plausible le dépaysement thématique et moral qu'un tel voyage dans le temps présuppose.
Autant dans la première partie, Marius, que dans la seconde, Fanny, le récit est ambitieux sans être trop long, les acteurs efficaces et convaincants et la réalisation juste assez pragmatique pour ne pas voler la vedette. Voilà donc deux films réussis qui séduisent par leur simplicité et leur exotisme.