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Exercice de style.
On ne criera certainement pas au chef-d’œuvre comme la plupart des critiques spécialisées en pamoison devant ce « Mank ». En effet, c’est avant tout un exercice de style un tantinet égoïste et hermétique où David Fincher se fait plaisir en réalisant un film de cinéphile. Et ce long-métrage souffre clairement du syndrome « Roma » d’Alfonso Curaon il y a deux ans (et des mêmes défauts qui vont avec selon nous). En l’occurrence, un réalisateur parmi les plus doués de sa génération, un sujet très personnel et pointu pour les non-initiés en histoire du cinéma, un noir et blanc magnifique, une liberté de ton et de sujet totale hors de toute contrainte grâce à Netflix et un gros coup de charme aux prochains Oscars… Cependant et de la même manière, c’est une œuvre touffue, pas facile d’accès, un peu prétentieuse et davantage destinée à un public de niche constitué de critiques de cinéma, de cinéphiles endurcis et de nostalgiques du Hollywood d’antan. Les autres apprécieront la beauté des images, la direction artistique irréprochable et l’interprétation mais se sentiront exclus par ce projet très personnel et pas forcément aimable de prime abord pour le spectateur lambda. Un public que Fincher oublie pour se faire plaisir et ne tentant jamais de rendre lisible son film par tous.
Netflix devient le réceptacle des auteurs en mal de liberté artistique. C’est bien d’un côté pour changer de l’uniformisation galopante du cinéma mais c’est à double tranchant, certains semblant en profiter pour créer des œuvres trop opaques et personnelles qui ne pourront être assimilées et appréciées par tous. Si Noah Baumbach avait réussi à nous offrir une œuvre réussie et ouverte au plus grand nombre (« Marriage Story »), Scorsese avec « The Irishman » ou les frères Coen avec « La ballade de Buster Scruggs » s’y sont cassé les dents avec des films satisfaisant davantage leurs envies que celles des spectateurs, en dépit de leurs qualités intrinsèques. Dans « Mank », il y a beaucoup trop de personnages que le script ne prend pas la peine de présenter et qui perdent donc le spectateur. Il y a plein d’anecdotes savoureuses sur les jeux de pouvoir politiques et artistiques de la Mecque du cinéma des années 30 mais souvent trop opaques pour ceux qui n’y connaissent pas grand-chose. De plus, le film est long, alterne les flashbacks, les clins d’œil pas toujours faciles à cerner ainsi que les longs tunnels de dialogue parfois trop techniques. Résultat, on est partagé entre ennui et admiration béate devant la maîtrise du propos.
Car, en effet, « Mank » ne manque pas de qualités. Les images et la reconstitution de l’époque sont irréprochables et d’une qualité d’orfèvre. Le soin apporté à chaque plan est indéniable et la maîtrise du sujet montrent tout l’amour du cinéma de Fincher. Gary Oldman, même si trop vieux pour le rôle, offre encore une fois une composition dont il a le secret. Le reste de la distribution n’est pas en reste et il fait plaisir de voir des œuvres aussi ambitieuses, sérieuses, originales et intéressantes. A rendre le propos et l’accès à son film plus simple, le réalisateur aurait sans doute eu plus d’éloges populaires. En l’état, il satisfera ses fans les plus exigeants et l’élite du cinéma mais laissera de marbre la plupart des autres. « Mank » est un peu comme une belle pièce de musée d’art contemporain : agréable au regard mais trop sibylline pour la compréhension générale. On en appréciera les contours et l’esthétique surannée mais on pourra aussi être insensible au propos et à ce qu’ont voulu nous dire ses instigateurs. Un film de passionné qui tranche dans la filmographie de son auteur mais doit représenter beaucoup pour lui. Plus que pour la plupart de nous autres, spectateurs.
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