Il y a certains types de films qui, par leur langage particulier ou leur style distinctif, limitent considérablement leur public-cible jusqu'à ne viser qu'une infime partie de la population, qu'un nombre restreint de personnes capables d'apprécier la spécificité du genre et la personnalité - perturbante, dans ce cas précis – de l'objet filmique. Mammuth fait partie de ces oeuvres qui, bien loin d'être de mauvaise qualité artistique ou technique, s'adressent à une élite cinéphilique, dérisoire en nombre, dont vraisemblablement je ne fais pas partie.
Serge est un travailleur acharné qui a consacré toute sa vie au boulot. Lorsque vient le temps de prendre sa retraite, il réalise qu'il lui manque certains papiers importants pour obtenir ses allocations gouvernementales. Encouragé par sa femme, il part retrouver ses anciens employeurs sur sa vieille moto. En chemin, il rencontrera d'étranges personnages, retrouvera certains membres de sa famille et fera des découvertes qui changeront sa vision - étroite - du monde.
À l'image du surréalisme ou du théâtre expérimental - les « insurgés » de leur domaine artistique respectif -, le long métrage de Gustave de Kervern et Benoît Delépine brise habilement le schéma narratif conventionnel et notre perception machinale du monde (ce n'est pas parce qu'une chose semble raisonnable et cohérente qu'elle est nécessairement). Les personnages de Mammuth nous apparaissent tous normaux à première vue, mais plus l'histoire nous entraîne dans sa démence, plus on réalise leur absurdité et leur incohérence respective (l'un est incestueux, l'autre est tortionnaire et ça c'est lorsqu'il n'est pas issu de l'imagination déjantée du protagoniste).
Le langage déconcertant et l'inconfort qui y est associé font la force du film, pour ceux qui savent l'apprécier. Malheureusement, cette déconnexion importante avec les balises qu'on a l'habitude de rencontrer au cinéma peut altérer la compréhension et détourner l'attention du spectateur, perplexe face à tant d'irrégularités. J'appartiens à ce groupe de personnes dubitatives, trop déstabilisées par les incohérences triviales du récit pour l'apprécier. Certaines images, métaphoriques ou non, laissent place à l'interprétation et démontrent habilement la richesse - souvent déroutante – de l'histoire.
Dans ce contexte provocateur, presque fantaisiste, les acteurs doivent faire preuve d'un détachement substantiel face au personnage qu'ils interprètent. La principale force du film est dans la surprise, il est donc profitable d'installer une certaine rationalité au personnage avant de dévoiler, par exemple, ses tendances psychopathes. En ce sens, Gérard Depardieu et Yolande Moreau offrent une splendide performance, entre l'innocence et la folie, l'amour et la désillusion.
Le cinéma est capable de tout; étonner, fasciner, troubler, amuser, déconcerter et, évidemment, divertir. C'est cette dernière condition que le commun des mortels recherche dans l'expérience cinématographique, et c'est d'ailleurs pourquoi Mammuth - trop cérébral et conceptuel - ne pourra combler les exigences du spectateur moyen. Chacun a ses raisons bien personnelles de fréquenter les salles de cinéma. Bien que les miennes soient larges et diversifiées, le caractère absurde de l'oeuvre et le malaise oppressant qui s'installe au fur et à mesure que l'histoire se peaufine - et qui reste même après la projection - m'empêchent d'apprécier honnêtement le film, que certains considéreront, probablement, comme une oeuvre d'art. À chacun son cinéma.
Le langage déconcertant et l'inconfort qui y est associé font la force du film pour ceux qui savent l'apprécier. Par contre, Mammuth fait partie de ces oeuvres qui, bien loin d'être de mauvaise qualité artistique ou technique, s'adressent à une élite cinéphilique, dérisoire en nombre, dont vraisemblablement je ne fais pas partie.
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