Les premières images de Maman est chez le coiffeur donnent le ton : les enfants s'empressent d'enlever leurs encombrants uniformes pour enfiler des vêtements de la dernière mode et s'en vont jouer, sur leur bicyclette, les cheveux au vent, poussés par leur jeunesse insouciante. On n'est pas surpris du tout de voir que cette légèreté nous parvient de Léa Pool, autant qu'on se n'étonnera pas non plus de voir le drame apparaître presque sournoisement, sans moins de soleil ni de compassion. Cette mince ligne entre l'humour et l'émotion fait de Maman est chez le coiffeur un film à la fois rafraîchissant et féroce, dans tout ce que cette manipulation émotive a de plus honorable.
À l'été 1966, Élise et ses frères Coco et Benoît sont fins prêts pour les vacances. Coco a bien l'intention de terminer son bolide, Benoît s'amuse avec ses G.I. Joe et Élise veut apprendre à pêcher avec M. Mouche, un sourd-muet des environs. Mais lorsque leur mère décide de partir pour Londres afin de devenir correspondante à la télévision, le fragile équilibre qui tient la famille ensemble est brisé, et les enfants réagissent comme ils peuvent.
Marianne Fortier (qui a décidément des ennuis avec ses figures maternelles, après Aurore en 2005), trouve dans ce personnage d'Élise un moyen de faire parler son talent. Cette petite héroïne, qui se sent immédiatement responsable lorsque sa mère l'abandonne, elle et ses frères, aura aussi ses moments de faiblesse et de doute, quelque part entre l'enfance et l'adolescence, entre le comique et le sérieux qui illumine tel un halo le film de Léa Pool. Elle fait preuve encore une fois d'une grande compassion pour les enfants, à la fois le sujet, la vedette et la raison d'être de son film. Céline Bonnier, dans un rôle ingrat, joue merveilleusement bien entre les deux époques : celle de 1966, où son choix est tout simplement inacceptable, et celle de 2008, celle du public, où on observe (prétendument) sans juger.
Aucune émotion n'est forcée ou obligatoire, dans le cinéma de Léa Pool, et plusieurs sont à peine suggérées, mais cela ne les rend pas moins fortes. On regarde cette famille évoluer, à travers des indices et des non-dits, et les enfants grandir dans le plus grand respect de l'intelligence du spectateur. Mais le drame est bien présent et très bien construit par le scénario qui a vite compris que pour qu'une mère soit absente, il faut qu'elle soit d'abord présente. La candeur du petit Benoît est attendrissante, les dialogues sont vifs et les interprètes, jeunes et moins jeunes, tous très talentueux. L'utilisation de chansons ultra-connues ne vient cependant pas ajouter quoi ce soit.
La reconstitution historique aidant, Maman est chez le coiffeur est toujours crédible - un pré-requis - et ne se termine pas dans une mièvre effusion de larmes. Les motifs fleuris et les couleurs vives son le théâtre idéal pour ce drame brutal et différent, parce qu'on n'est pas moins triste ou plus heureux s'il fait soleil ou s'il pleut. Le film se termine plutôt exactement comme il a commencé : les cheveux dans le vent, sur une bicyclette, avec des vêtements d'une mode complètement dépassée sur le dos, et avec un été en plus.
Cette mince ligne entre l'humour et l'émotion fait de Maman est chez le coiffeur un film à la fois rafraîchissant et féroce, dans tout ce que cette manipulation émotive a de plus honorable.
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