Il est bon de constater que James Wan, l'homme derrière des séries de films aussi marquants que Saw et The Conjuring, n'a pas complètement délaissé le cinéma d'épouvante au profit de superproductions industrielles anonymes comme Furious 7 et Aquaman. Le voici de retour avec Malignant, probablement son long métrage le plus cinglé en carrière.
Le tout débute comme un hommage aux giallo, ces traumatisants essais italiens qui mélangeaient l'horreur et le polar à grand coup de crimes sordides et d'hémoglobine. Mais qui est ce tueur qui rôde? Et pourquoi s'en prend-il à l'entourage d'une femme (Annabelle Wallis) incapable d'enfanter? L'ombre de Dario Argento se fait ressentir, jusque dans cette façon d'imiter - ou plutôt de pasticher - sa signature esthétique et sonore unique.
Sauf que Wan ne s'en tient pas là. Puisqu'il lorgne déjà les thrillers viscéraux des années 70 et 80, pourquoi ne pas s'amuser sur le même terrain que les autres maîtres du genre? Impossible de ne pas penser à Brian De Palma pour cette façon de maximiser la tension et la dualité des êtres. Puis il y a David Cronenberg, évidemment, dont le traitement clinique et presque scientifique berce les fondements de l'intrigue.
Bien entendu, Malignant ne rivalise en rien avec les classiques de ces grands cinéastes. L'histoire plus brouillonne que véritablement énigmatique n'est qu'un prétexte pour cumuler les fausses pistes et jouer avec les attentes du spectateur, qui ne sait plus s'il est question d'un assassin, de cauchemars, de démons ou de maladie mentale. Malgré une succession de morts violentes et sadiques, le scénario n'évite pas les redites, faisant rapidement du surplace dans sa façon d'explorer l'inconscience et les traumas du passé. N'est pas David Lynch qui veut.
Cela n'enlève rien à la qualité de la mise en scène, qui séduit par son aisance à susciter des malaises. La première partie d'Insidious était sans doute plus effrayante et The Conjuring 2 plus soignée visuellement. Ce plus récent essai n'aura toutefois aucun mal à marquer les esprits grâce à quelques scènes perturbantes. Il n'y a rien de très subtil dans la démarche du créateur et ses élans musicaux qui font écho au tube Where is My Mind? des Pixies finissent par éventrer des secrets à venir. Mais c'est justement dans la surenchère que l'entreprise puise sa force, agissant comme un véritable opéra. Pas surprenant que le jeu et même la prestance physique d'Annabelle Wallis évoquent Isabelle Adjani dans Possession, qui demeure à ce jour un des opus les plus intenses du septième art.
C'est pourtant dans sa dernière partie que l'ensemble se veut le plus satisfaisant. Le réalisateur se laisse complètement aller, multipliant les excès grotesques et démentiels qui ne répondent qu'à une révélation prévisible, mais néanmoins très efficace. C'est là que l'ouvrage trouve son sens (relatif), que l'effroi apparaît au tournant, en même temps que des rires risibles au détour d'une conclusion bâclée et inutilement sentimentale, parfaite pour une suite. Tout d'un coup, la réalité saute aux yeux : Malignant n'est rien d'autre qu'une version adulte de Frozen! C'est déjà beaucoup pour un projet étonnamment ambitieux qui provoque autant de fascination que de répulsion.