Woody Allen est un dialoguiste incomparable, un conteur hors pair, et l'un des grands cinéastes de sa génération, mais même les plus grands peuvent commettre des erreurs. Et quand on produit un film par année, comme le fait Allen, on s'expose à un risque beaucoup plus important que celui qui ne fait, par exemple, qu'une oeuvre aux cinq ou au dix ans.
Affirmer sans bémol que Magic in the Moonlight est un échec serait, par contre, un mensonge éhonté. La comédie romantique s'avère une oeuvre légère, mineure même, mais aussi un film brillamment écrit et joué, qui nous apporte ce délicieux réconfort et cette bouffée de mélancolie caractéristiques aux productions d'Allen. Il paraît en revanche manquer quelque chose à l'ensemble pour qu'on puisse le décrire comme une réussite. Si la magie et l'ensorcellement sont les thèmes principaux de ce film, on se doit de conclure que c'est pourtant ce qui semble manquer à l'histoire pour nous permettre d'y croire et de se laisser emporter dans son sillage.
Midnight in Paris (2011) et Blue Jasmine (2013) ont été des productions marquantes du cinéma d'Allen. Et comme ces films ont pris l'affiche récemment, un nouvel intérêt pour le cinéma du réalisateur d'Annie Hall est né chez plusieurs. Malheureusement, comme le prouve To Rome with Love, sorti entre les deux films précédemment cités, on ne peut pas faire un coup de circuit à chaque fois. Difficile de dire, par contre, à qui revient la faute. Le problème vient probablement d'un récit mal ficelé et trop prévisible. Les sujets abordés et les textes sont sans fautes - ou presque -, mais l'univers dans lequel évolue cette comédie sentimentale et les péripéties vécues par les protagonistes sont plus anonymes que ce à quoi le réalisateur nous a habitués.
Dirigés de mains de maître par le grand Woody Allen, Colin Firth et Emma Stone sont convaincants, malgré les personnalités caractérielles de leur personnage respectif. On a, dès les premières minutes, envie de croire en ce magicien pessimiste et morose qu'incarne Firth avec emphase et en cette médium bon-enfant qu'interprète joliment Stone. Les personnages secondaires, qui arrivent parfois à sauver les imperfections dans le rythme par quelques répliques savamment écrites et délivrées, sont ici plutôt inutiles et passent inaperçus devant la prestance des deux acteurs principaux. Les paysages du sud de la France apportent une allégresse supplémentaire au récit, mais, rien, encore une fois, pour pardonner le manque de magie (au sens symbolique bien sûr) au sein de la production.
Magic in the Moonlight ne marquera pas les esprits et le septième art comme d'autres oeuvres de Woody Allen sont parvenues à le faire par le passé, mais il reste bien meilleur que d'innombrables comédies romantiques qui essaient vigoureusement de séduire son public avec des imbroglios et quelques manipulations du destin prévisibles, qui, ultimement, nous font regretter la perspicacité des écrits d'Allen. Même s'il ne s'agit pas ici de son meilleur film, on ressent tout de même la plume d'un auteur d'exception et, juste pour ça, Magic in the Moonlight est un choix éclairé.