On ne peut pas dire que le film de gangsters soit un genre très populaire au Québec. C'est assez rare qu'on voie une production à grand déploiement comme celle-ci débarquer sur nos écrans.
Inspiré du livre MAFIA INC d'André Cédilot et André Noël, le long métrage dépeint une histoire fictionnelle qui a été créée à partir de faits réels (l'ascension et la chute de Vito Rizzuto). Celle-ci nous plonge dans le monde de la mafia italienne à Montréal. On suit plus précisément le quotidien de Vincent Gamache, joué par Marc-André Grondin, qui s'acoquine avec le clan des Paterno et devient l'un des fidèles serviteurs du parrain de la mafia, Frank. Quand il commettra un geste odieux que même le plus grand criminel de la métropole ne peut accepter, une scission se créera entre les deux et un affrontement déterminant en découlera.
Il n'y avait personne de plus qualifié que le rigoureux réalisateur de 19-2 pour prendre les rênes de ce projet ambitieux. Podz a construit un univers noir, mystérieux et oppressant qui nous hypnotise dès les premières minutes, particulièrement violentes. Même si on sent à quelques reprises dans le film les influences de Scorsese ou Coppola, nous ne sommes pas ici dans le pastiche, au contraire. Le cinéaste impose rapidement son propre style. Il n'abuse pas des scènes de violence, mais ne se prive pas non plus de montrer la réalité brutale et sans pitié du milieu mafieux. Une séquence plutôt graphique à l'abattoir risque de marquer les esprits. On comprend dès lors l'impétuosité du personnage de Vince et la cruauté de son cercle « professionnel ».
Grondin épate, comme chaque fois qu'on a la chance de le voir à l'écran. Avec son manteau de cuir, sa moustache touffue et son oeil de tueur, il nous fascine et nous effraie à la fois. L'acteur italien Sergio Castellitto possède le charisme nécessaire pour assumer un rôle aussi imposant que celui du parrain de la mafia. Il est calme, mais intraitable. Gilbert Sicotte en tailleur respectable, tiraillé entre ses valeurs pacifiques et son désir de protéger sa famille, force le respect. La rencontre entre les deux personnages, celui de Castellitto et de Sicotte, deux pères aimants mais faillibles, s'avère bouleversante. Les comédiens ont su trouver le ton juste pour nous livrer l'émotion, sans être trop mièvres.
Le film profite également d'une reconstitution historique irréprochable et d'une trame sonore, créée par le talentueux duo Milk & Bone, envoûtante. La dernière image du film est assez puissante. Sans trop en révéler, disons que la fiction de l'ensemble verse vers la réalité de façon plutôt déconcertante. Malgré toutes ses belles qualités techniques et esthétiques, le long métrage souffre de quelques longueurs, notamment vers la fin, qui amenuise son impact global sur le spectateur. À plusieurs moments, lors du passage au noir, on se questionne à savoir s'il s'agit de la finale, ce qui nous fait décrocher de l'histoire pourtant captivante jusque là.
En définitive, MAFIA INC est une proposition originale, inventive, habile, lucide, bref, foudroyante. Et la voir sur grand écran ajoute certainement à l'expérience.