Madame Sata
Au début des années 30, à Lapa, un quartier chaud de Rio de Janeiro, Joao, un grand Brésilien noir vivant dans une pension délabrée est l'assistant d'une chanteuse de cabaret dont le spectacle évoque Schéhérazade et les Mille et Une Nuits. Autour de lui gravitent Laurita, un prostitué, Tabou, un travesti qui lui sert de souffre-douleur, et Firmina, une petite fille dont il s'occupe et qu'il aime plus que tout. En coulisse, il rêve de monter sur scène et de prendre la place de celle qu'il seconde. Joao est homme et femme, pleinement homme, pleinement femme, marginal, excessif, oscillant sans cesse entre la plus grande délicatesse et la violence exacerbée. Illettré, il est d'autant plus ombrageux et avide de reconnaissance. Il rêve de réussir, de devenir quelqu'un. Pour cela, il est prêt à tout, même devenir gangster. Un jour, au Danube Bleu, son bar favori, tenu par son ami Amador, il rencontre Renatinho, un homme dont il décide de faire son amant.Après LA CITÉ DE DIEU et CARANDIRU, MADAME SATA rappelle bien le renouveau du cinéma brésilien. Même réalisme, même ton dans le récit et même incandescence dans l'illustration. Dans cette histoire suintante et crue, c'est le portrait de Joao Francisco dos Santos qui est fait, un personnage ayant réellement existé et qui a été l'égérie de l'underground des années 70 après qu'il eut été sacré à de nombreuses reprises Reine du carnaval de Rio. Par son parcours cahotique, il est devenu une icône dans son pays, avec l'émergence de la culture afro-brésilienne urbaine et vibrante du Rio de Janeiro des années qui suivirent l'abolition de l'esclavage au Brésil. Pour son premier film, Karim Aïnouz a choisi de se centrer sur les jeunes années de dos Santos. Celles avant ses nombreux séjours en prison, celles avant qu'il ne soit une légende vivante et celles avant qu'il n'adopte sept enfants de la rue. Ainsi, Aïnouz s'attarde sur le combat de son héros pour sa liberté, plutôt que sur les faits historiques d'une partie de la population du Brésil. D'une lumière magnifique, sombre et aux contrastes saisissants, c'est à travers une atmosphère sensuelle et charnelle, voire bestiale et de survie qu'est décrit cet homme complexe et dont les traits, tant négatifs que positifs, sont tirés."MADAME SATA est aussi le portrait intime et complexe des habitants de la « République de Lapa », un monde à part, peuplé de marginaux, au coeur même de Rio. Nous sommes au début des années 30, dans un monde qui possède ses propres règles, lois et rituels, dans un univers où Madame Sata est à la fois, roi et reine, saint(e) et Satan. Un regard macroscopique sur un moment crucial de sa vie, le moment où il est en passe de devenir une figure mythologique populaire. MADAME SATA est le portrait d'un personnage habité par l'enthousiasme et la douleur d'être noir, bandit et homosexuel au Brésil au début du XX ème siècle."