En 2007, Grindhouse avait redéfini la mode vintage au cinéma (et par extension celui du remake), en réutilisant les codes du cinéma d'exploitation et en reproduisant dans une seule oeuvre l'expérience vécue au cinéma (incluant bandes-annonces, bobines manquantes, etc.). Le regard inspiré posé sur les codes de l'acte de voir un film (et dire que certains pensent encore que c'est simple!) avait séduit... Avec des recettes de 25 millions $, le film s'est avéré être un échec commercial, malgré son intelligence postmoderne phénoménale. Parmi les bandes-annonces présentées dans le film, celle de Machete - qui était la plus prometteuse - devient maintenant un long métrage. Le résultat est à la hauteur, voilà déjà ça. Mais que le cinéma engendre le cinéma, c'est en soi fascinant.
Suite à une opération de sauvetage ratée, le policier mexicain Machete voit sa femme mourir devant ses yeux, décapitée par le caïd Torrez. Déterminé à se venger, il se rend en Amérique, où il est engagé par le directeur de la campagne électorale du Sénateur McLaughlin, qui propose de rendre toute immigration illégale au Texas, afin d'assassiner le candidat. Trahi et pris au piège, Machete doit se cacher puisque les autorités sont à ses trousses. Il recevra l'aide d'une agente de l'immigration américaine zélée et de la chef d'une organisation secrète qui aide les Mexicains à entrer aux États-Unis.
Les meilleurs moments de Machete se retrouvaient déjà dans la bande-annonce il y a trois ans. Les ajouts de Robert de Niro, Lindsay Lohan et Steven Seagal sont absolument hilarants d'autodérision et ajoutent au plaisir de voir un Mexican invincible faire la peau de ceux qui l'ont trahi. Sans oublier coucher avec leur femme et leur fille. En même temps. Sur vidéo. Digne de tous les héros « classiques », le personnage de Machete dans le film Machete est profondément conscient de son époque, de son statut de personnage de film et s'en sert pour faire rire. C'est la première étape vers une véritable compréhension du statut de personnage au cinéma.
Cette nonchalance face à la violence, qui mime en quelque sorte l'attitude généralisée de la société occidentale contemporaine, est fortement connotée et particulièrement efficace; ce qui s'avère être une surenchère de violence gratuite passe au cinéma pour de l'humour, alors qu'elle est le symptôme éloquent d'une société qui a laissé les choses dégénérer. On ne maîtrisait pas si brillamment cette ironie dans Piranha 3D, même si le concept était similaire. Machete est plus engagé, et il n'est pas moins efficace côté divertissement.
Machete rappelle l'insolence de South Park par son illustration de « l'invasion » mexicaine. Par cet excès, on souligne l'évidence et on isole les extrêmes. Les nombreuses redondances du récit sont regrettables; si le film est engagé politiquement, il n'est pas très subtil - vraiment pas - et son discours s'alourdit de plus en plus tandis qu'on en répète les principaux arguments. L'illustration par l'exagération est cependant fort éloquente, mais on se surprend à s'ennuyer alors qu'on divise les méchants Texans et les gentils Mexicains. Disons que ce n'est jamais si simple. Et que l'intrigue ne conserve que bien peu de surprises une fois les bases posées.
Mais Machete n'est pas très compliqué non plus. Violence, sexe, Mexicains, etc. Sauf que des films comme ceux-ci ont davantage à offrir que de la violence gratuite : ils sont des propositions cinéphiliques qui abordent le cinéma lui-même en le démontant, en exposant ses ressorts pour qu'on puisse enfin le faire évoluer. On n'y est pas encore tout à fait, mais c'est encourageant.